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Divines et Innocentes

Divines et Innocentes

Les Louves de la Riviera

Vice, grandeur et décadence dans la Jet Set et le milieu du Show-biz où l'argent et le pouvoir autorisent tous les excès sans aucune moralité. Sandra, star sulfureuse et machiavélique, tire les ficelles d'un jeu de massacre féroce, où tout est bon pour avilir et asservir. La manipulation est une arme redoutable. Sandra et sa meute de débauchées exploitent le mécanisme de la conspiration et jouent sur les faux-semblants pour mieux arriver à leurs fins. Léa, pure et innocente, n'a pas sa place parmi elles, et va vite tomber dans leurs filets, une proie trop facile, mais réservant bien des surprises lorsque le masque va tomber et sa vraie nature se dévoiler dans une sarabande de volupté frénétique.

 

Affolée, Léa court comme un animal perdu, se perdant dans une végétation luxuriante qui se referme sur elle. Les hautes montagnes aux cimes escarpées, dominant la vallée somptueuse, assistent avec un silence hautain à cette course effrénée, éclairée par les halos agressifs d'immenses projecteurs.
Puis elle ralentit l'allure, calmée mais encore hébétée, comme cherchant à disperser le brouillard insidieux dans lequel elle s'est laissée aspirer. Elle sort du cercle de lumière, jaillissant dans la pénombre, où le parc devient une étendue rase d'herbes humides. Elle croise sans les voir de rares convives qui se promènent dehors, enlacés, joyeux et rieurs, sous le charme des lieux festifs et fastueux, où tous les excès sont permis. Des couples du même sexe... Des têtes féminines se tournent, des yeux brûlants lancent des regards appréciateurs, la contemplent de la tête aux pieds, mais Léa n'y prête aucune attention.
Ses cheveux noirs sont pris dans la lumière de la lune qui, là haut, dans un ciel noir parsemé d'étoiles brillantes, est d'une netteté incroyable, blanche et rayonnante. Un spectacle qui laisse Léa indifférente. Apeurée, secouant la tête comme si elle émergeait d’un cauchemar dont l'intensité l'a effrayée. Son visage est déformé par l’égarement et l’incompréhension la plus totale. Elle vacille un instant, encore étourdie, avant de s’engager maladroitement sur le sentier en graviers qui amène à la somptueuse villa éclairée dans un étincellement luxueux et multicolore. Mais, de nouveau, les forces l'abandonnent, elle s'immobilise au milieu du parc, toute frissonnante.
Elle sent une présence tous près, derrière elle, un souffle sur sa nuque, un regard qui ne la lâche plus.
-  Ma chérie, partons d'ici, ce n'est pas un endroit pour toi. On trouvera une autre solution.
En colère, Léa se sent oppressée, au bord de l'asphyxie. L'indignation l'empêche de sortir des phrases qu'elle pourrait regretter. Elle veut avancer mais, avec une rapidité déconcertante, l'homme lui barre le passage.
- Rien ne t'y oblige. Rentrons, je t'en prie, et nous en parlerons au calme. Résoudre autrement notre problème. Et je vais changer, je te le jure, sur la tête de nos enfants, je vais tout arrêter et je vais être un autre homme, j'ai compris la leçon !
C'en est trop ! Le visage ruisselant de larmes, elle se tourne vers Claude, son mari. Si dégoulinant de mièvrerie, si penaud, si pathétique. De taille moyenne et un peu bedonnant. Avec son teint olivâtre et ses cheveux noirs et drus, il fait italien. Physiquement comme mentalement. Un beau parleur, baratineur, exubérant, volubile, plein de belles paroles et de promesses, toujours prompt à trouver des solutions miracles !. Elle ne l'a jamais autant détesté, comme si tous ses défauts ressortaient brusquement dans un magma visqueux et écœurant. Oh ! il avait aussi des qualités - intelligent, vif d'esprit et un sens incisif des affaires, spirituel et du charme à revendre - mais des qualités ensevelies et réduites à néant par son plus gros vice, sa plus grande dépendance, tout ce qui le détruisait et, pire, où il entraînait dans sa chute toute sa famille. Alors elle craque :
- Tu vas changer ? Tu vas changer ! Mais, mon pauvre garçon, cela fait mille fois que tu me le dis, que tu jures, que tu promets, et rien ne change ! Rien, tu comprends ! Et par ta faute on va tout perdre ! Alors je prends le taureau par les cornes et j'essaie de nous sauver ! Réparer tes erreurs ! Comme à chaque fois... Que cela te plaise ou pas !
Malgré la fraicheur de la nuit, son mari transpire abondement, et son visage a pris une teinte rouge brique. Il veut la prendre dans ses bras mais elle le repousse violemment :
- Ne me touche pas ! crie t-elle en fermant les yeux. Ne me touche surtout pas !
Malgré tout il insiste et lui agrippe doucement le bras.
- Mon cœur, ne fais pas ça, je t'en prie.
Elle se dégage en tremblant. Elle sent à quel point il est blessé et malheureux mais elle n'est pas en état pour ressentir la moindre compassion.
Elle laisse libre cours à sa fureur, entre cris hystériques et hoquets de désespoir. Jetant de temps à autre des coups d’œil inquiets vers la villa qui brille à quelques mètres, comme si la somptueuse bâtisse lui inspirait une crainte superstitieuse. Redoutant par avance ce qui l'y attend, même si c'est son choix. L’appréhension prend le dessus sur sa fureur. Puis, aussi, le voir si triste, si malheureux, finit par avoir également raison de sa rage. Cela ne sert plus à rien de se déchirer, les dés sont jetés. Elle s'apaise.
- De toute façon, il est trop tard pour faire marche arrière. J'ai accepté le marché. Et je viens d'en connaitre les détails, il y' a dix minutes, ce qui me bouleverse car je ne m'attendais pas à ce genre de... de proposition ! Et, aussi indécente fut-elle, j'irai jusqu'au bout. J'espère au moins que cela te servira de leçon et te mettra du plomb dans la tête !
Elle se détourne vite, pour ne pas affronter le regard défait et suppliant de son mari. Pour ne pas flancher. Armée de son seul courage, elle se dirige vers la villa d'un pas résolu, silhouette élancée et magnifique qui se déplace avec grâce, traversant la cour sous les projecteurs, le clic-clac de ses hauts talons résonnant comme un écho funèbre.  Avant de se jeter dans la gueule béante de l'entrée principale où, derrière, résonnent rires et musique, bruit et fureur, le chant sournois et ensorcelant d'une fête décadente.


Sandra se cambre orgueilleusement, exhibant le sexe factice qui se dresse dans une pseudo-virilité incroyable, long et énorme, comme gonflé d’un réel désir. Elle est entièrement nue, excepté la ceinture et le gode en latex, couleur chair, qu’elle brandit entre ses jambes comme un trophée.
- Alors, qu’en penses—tu ? C’est pas mieux qu’un homme ça ?
- Vous êtes ignoble !
Atterrée, Patricia détourne la tête, rouge comme une pivoine. Tout cela est si choquant que le souffle lui manque, mais cette obscénité a quelque chose de terriblement érotique aussi, de puissant dans cette ambiguïté, ce mélange d’homme et de femme en une seule personne. Sandra est aussi belle qu’impudique. Sa chair dorée à la peau douce et veloutée brûle d’une luminosité crue et indécente tandis que les muscles se dessinent dans toute leur vigueur. Tout chez elle est force et vitalité, un corps fin et nerveux auquel les seins épais et fermes ajoutent une touche de sensualité, comme les fesses dures joliment dessinées dans toute leur volupté. Une harmonie féminine brisée par ce gode énorme qui ressemble tant à un vrai sexe, dressé dans toute ce qu’il y’ à de plus mâle et de plus viril. Cette confusion des genres est si nouveau, si troublant, que Patricia s’efforce de détourner le regard alors que ses yeux semblent irrésistiblement attirés. Son trouble évident fait ricaner Sandra.
— Tu as intérêt à être ma chose si tu veux figurer en première ligne dans mon prochain spectacle. Un show où tes talents de danseuse feront merveille, avec un rôle primordial. Mais le succès a un prix ma chérie, et il me semble que tu étais d'accord pour ce petit échange de bons procédés.
- Oui, je respecterai ma part du marché, je n'ai qu'une parole, lui répond Patricia en s’efforçant de garder une voix ferme.
Elle est prête à tout pour réussir et elle se moque éperdument  de la danse en tant qu'art. Elle veut surtout gravir les échelons et gagner un maximum d'argent. Or toutes ses collègues de sa troupe ont plus de succès qu'elle. Plus de talent aussi certainement. Une situation qu'elle ne supporte plus. Alors, pour satisfaire son ambition, elle a décidé de frapper un grand coup, et viser haut, très haut, en faisant affaire directement avec la grande et redoutable Sandra Donovan ? Une louve à sang chaud, une prédatrice au sommet de l'industrie musicale, dans un registre bien particulier, trash et survolté,  ne reculant devant aucun débordement et aucune outrance, mais qui par son influence peut lui permettre aussi d'accéder à la gloire en brûlant les étapes. Alors oui, Patricia est prête. Prête à se vendre. Prête à trahir sa petite amie qu'elle n'a jamais trompé jusqu'ici depuis six ans de vie commune.
Elle a les jambes qui tremblent en s’approchant de Sandra. Elle se penche en avant, approchant son visage du sien. Timidement, elle  dépose un baiser sur la joue de Sandra, puis s’approche nerveusement de la bouche féminine. Quand leurs lèvres se frôlent enfin, c’est Sandra qui se colle à elle, goûtant avec avidité la fraîcheur pulpeuse de la bouche, forçant la barrière des dents pour y glisser une langue vorace et lui imposer un baiser aussi fiévreux qu’insistant. Patricia se laisse faire, soumise. Tout son corps nu tremble instinctivement et elle évite prudemment tout contact trop étroit entre leurs deux chairs dévoilées. Sandra s’en rend compte et, furieuse, la saisit aux fesses pour la plaquer contre elle, lui soufflant au visage.
— Caresse—moi, vite !…
Patricia passe ses doigts prés du sein droit, descend de plus en plus bas, glissant bientôt le long du ventre à la base duquel elle esquisse une série de frôlement furtifs, contournant le pénis en latex. Impatiente, Sandra se cambre et se tend au devant des doigts féminins. Du coup la main de Patricia touche brutalement le gode et elle en tressaillit de surprise, étonnée de trouver ce contact aussi doux qu’agréable. Avec son amie elle n'a jamais utilisé de sex-toy, par désintérêt, par pudeur. Là, elle se met à haleter, bouche ouverte, ce qui facilite la tâche de sa partenaire qui l’embrasse plus fougueusement. Timidement, Patricia saisit le mâle bourgeon en latex qui se darde devant elle, refermant ses doigts sur la hampe artificielle qui semble étrangement s’allonger davantage. C'est son imagination qui lui joue des tours, sans aucun doute. Une folle excitation... Elle l’enveloppe de caresses nerveuses, maladroites, puis prend peu à peu de l’assurance et un rythme égal, la parcourant sur toute sa longueur en accélérant peu à peu le mouvement du poignet. Sa respiration s’accélère au rythme de cette caresse, troublée de percevoir dans sa main la mâle raideur qui vibre et dont les chaudes pulsations se répercutent délicieusement dans sa paume, dans sa chair, l’emplissant peu à peu d’un bien-être insidieux et persistant qui la rend toute chose. Caresser un vrai sexe ne lui aurait pas fait plus d’effet, elle s’imagine des choses, une situation qu’elle n’a jamais connue et dont l’expérience est divinement excitante. Sa main échappe à son contrôle, audacieuse et adroite, esquissant un va et vient accéléré, se pressant ardemment sur le faux pénis. Sandra a senti le changement, esquisse un sourire victorieux en observant intensément sa partenaire tandis que les yeux égarés de celle-ci se détourne aussitôt et dont le visage devient rouge cramoisi. Pour l’exciter davantage, Sandra se met alors à agiter les reins pour se frotter contre elle, suivant le rythme de la main qui va et vient en serrant si fort le gode qu’elle en est crispée. Leur bouche se dévore sauvagement, dans une passion si brutale que Patricia semble reprendre ses esprits, s’écartant brusquement de sa partenaire, comme pour échapper à son emprise. Confuse, elle tente de comprendre ce qui lui arrive. Un voile épais lui brouille la vue et une boule lui noue l’estomac tandis qu’un tremblement voluptueux agite tout son corps. Cette boule au milieu du ventre, c’est de la faim, un désir primitif qui lui assèche aussi la gorge. C’est dans un état second qu’elle distingue Sandra reculer. Celle-ci s’étend à même le sol, allongée sur le dos, avec toujours cet impressionnant phallus gonflé et bien raide qui pointe droit vers le plafond. Devant cette vison indécente et ce silence qui se prolonge, Patricia a brusquement l’impression d’étouffer, d’être écrasée par la tension qui l’habite, comme si la pièce toute entière se rétrécissait et se faisait trop rare en oxygène. Elle se sent défaillir, gagnée par une violente bouffée de chaleur. L’inconnu de ce qui l’attend l’oppresse, l’emplissant d’une sourde anxiété qui se mêle malheureusement à une vive curiosité sensuelle qu’elle ne peut réfréner. Jamais elle n’a autant conscience de sa faiblesse, maudissant de toute son âme un corps qu’elle ne reconnaît plus et qui frémit dans l’attente des événements. Comme elle semble hésiter, Sandra l’appelle d’une voix presque suppliante :
-  Allez, viens… Monte sur moi...
Patricia avance sans qu’elle le veuille, comme si ses jambes ne lui obéissaient plus. Elle s’immobilise à l’aplomb du gode tendu que Sandra maintient bien droit, dressé vers le haut. Puis, enfin, elle enjambe le faux pénis, cuisses écartées, intimités ouvertes. Lentement, le buste bien droit, elle fléchit les genoux et, millimètre par millimètre, s’abaisse sur le gode. Comme une chose vivante, celui-ci trouve sa voie, atteint le bulbe fendu, pénètre un peu. L’énorme phallus en latex écarte les chairs, distend les lèvres intimes, s’enfonçant davantage. Puis, d’un coup, glisse dans la longue fente charnelle aux muqueuses déjà mouillées, gonflées d’un désir impétueux. Le gode semble happé, pressé, absorbé par un puits humide et chaud dans lequel il glisse jusqu’au fond, cognant jusqu’à sa source. N’y tenant plus, d’un seul coup de reins, Sandra s’enfonce encore plus loin. Patricia lâche un cri rauque, se mord les lèvres jusqu’au sang, se retenant de ne pas gémir de façon discontinue. Sandra la saisit aux hanches, se mouvant en elle d’un long et imposant va et vient, de plus en plus vite. Patricia n’essaie même plus d’échapper à cette extraordinaire intrusion dans ce qu’elle a de plus intime, une lascive pénétration qui la brûle et la submerge de sensations fabuleuses, uniques, si fortes, si grandissantes… Une vague qui grossit et déferle, s’arrêtant nette alors que Sandra cesse soudainement de bouger, avec un sadisme inhumain. Patricia pousse un cri de frustration tout aussi inhumain, comme brisée en plein élan. Et, d’un coup, c’est elle qui se met alors à bouger sur sa partenaire, d’abord lentement, comme pour faire durer le plaisir alors qu’il la submerge de nouveau. Elle se redresse un instant, laissant réapparaître le gode luisant, puis elle se laisse redescendre, remonte, redescend encore vers la hampe qui la pénètre à chaque fois plus facilement, plus profondément. Elle s’empale doucement, avec précaution et délectation, pour que le gode aille vraiment au fond d’elle, et qu’elle puisse l’aspirer et l’avaler le plus méthodiquement possible. Elle s’immobilise un instant, prise d’un tremblement nerveux alors qu’un premier orgasme la saisit vivement, lui arrachant un cri voluptueux. Puis, comme pour en accentuer la sensation fabuleuse, elle remonte tout doucement en frissonnant toujours de tout son être, dévoilant le gode couvert de sécrétions intimes avant de s’empaler dessus avec plus de lenteur, prolongeant divinement l’orgasme qui ne semble jamais s’arrêter. C’est une sensation indescriptible, une impression de plénitude aiguë, des vagues ardentes qui déferlent dans tout son corps. Vite, elle sent monter un plaisir encore plus incandescent, et du coup se met à accélérer le mouvement, yeux grands ouverts et le regard étrangement flou, articulant de brefs sons étranglés comme si elle délirait. Elle s’empale avec plus de force, et Sandra suit son rythme, la labourant impitoyablement, le visage crispé et en sueur, l’attrapant par la nuque pour la tirer vers elle et chercher son cou qu’elle se met à lécher et mordre sauvagement alors que la cadence de leurs deux corps trempés devient de plus en plus désordonnée. Maintenant, alors que sa partenaire est secouée par une sorte de spasme, Sandra  s’accroche avec furie aux deux seins ronds qui tressautent au-dessus d’elle, au rythme de leurs soubresauts et contorsions frénétiques. Devinant un deuxième orgasme encore plus violent, Sandra continue de lancer impétueusement son bassin en avant, dans des coups de boutoir toujours plus vigoureux. Ses efforts effrénés portent leurs fruits. Patricia se soulève du sol comme si elle voulait prendre son essor, agitée de violents spasmes tandis qu’elle se libère d’une explosion aussi longue qu’intense, si insoutenable qu’elle en pousse un rugissement de lionne blessée. Elle gémit sans discontinuer alors qu’elle retombe sur le gode, le laissant enfoncé en elle tandis que son bassin est encore agité de secousses langoureuses. Elle ferme les yeux, à la fois honteuse et repue. Mais le vertige qui la saisit alors que Sandra la bascule sur le côté pour adopter une autre position lui fait comprendre que les ébats torrides ne font que commencer, et que son corps n’est pas aussi assouvi qu’elle le voudrait. Déjà, elle vibre toute entière quand Sandra l’attrape par les épaules, l’obligeant à se contorsionner dans une posture qu’elle ne comprend pas. Docile, elle se laisse guider. Inconsciente que sa partenaire s'excite furieusement en pensant à une autre personne. A cet instant, visage tendu et yeux fermés, Sandra s'imagine dans les bras d'une autre partenaire, une femme qu'elle rêve depuis longtemps de soumettre à ses caprices, mais qu'il lui sera beaucoup plus difficile de conquérir. Léa, une femme mariée et mère de deux enfants, qu'elle espère bientôt initier aux passions lesbiennes. Pour parvenir à ses fins, une stratégie est déjà élaboré, le piège va bientôt se refermer. A cette idée, Sandra vibre de tout son être, tétanisée par une extase fulgurante. Dont elle se libère par un cri animal et des contorsions frénétiques, emportant avec elle dans ses ruades Patricia qui n'est pas au bout de ses surprises.



Anne Klein est déjà présente, entourée de deux jeunes femmes qui semblent s’amuser de toutes ses facéties. Anne sourit, heureuse, gracieuse, observant tout ce qui se passe avec verve et ironie. Elle est vêtue simplement d’une longue robe de lin transparente, façon Égypte ancienne, qui révèle ses ravissantes formes dans un érotisme très suggestif. Un large collier dissimule à peine ses jolis seins. Une perruque noire, aux reflets outremer, met en valeur ses grands yeux bleus malicieux et la finesse de son visage enfantin, un visage qui allie ce qu’il y a de plus pur chez une femme, de noble et de délicat, et que vient démentir sa tenue osée. Ce contraste ne la rend que plus touchante et troublante, femme-enfant au charme ambigu. Elle inspire d’emblée confiance, par sa fantaisie et sa franchise. Rien n’échappe à son regard, elle commente tour à tour avec beaucoup d’esprit l’arrivée triomphante de Napoléon, de Jeanne d’Arc, d’un chef gaulois et d’un viking, ou de personnages littéraires comme la gitane Esméralda, magnifique métisse qui fait grande impression. Anne surprend son auditoire en dévoilant avec une facilité déconcertante certains secrets inavouables qui se dissimulent derrière toutes ces personnalités. Elle semble connaître presque tout le monde, et c’est avec cynisme qu’elle se moque gentiment, se divertissant de ce mélange folklorique et incongru où chacun minaude et se pavane dans une agitation excessive. À mesure que les invités entrent dans le séjour, un drôle de majordome annonce leur nom d’une voix forte et solennelle. Il est habillé d’une façon assez maniérée, avec une chemise à poignets mousquetaires, un gilet de fantaisie aux couleurs fluorescentes et un nœud papillon à fleurs. La foule déjà en place applaudit à chaque fois, admirative devant les costumes ou impressionnée de reconnaître certaines personnalités importantes. Les invités traversent lentement tout le rez-de-chaussée, une vaste salle de 200 m² environ, pour atteindre ensuite une estrade de jade où sont royalement installés sur un trône d’ivoire les maîtres de la cérémonie. Là, les convives s’inclinent et font la révérence. Les paroles d’Anne deviennent plus acerbes lorsque, sur l’insistance de ses compagnes, elle s’attaque à leurs hôtes, un couple étrange, costumé de façon différente, dans un style aussi baroque qu’incohérent. Elle commence par l’homme
— … Vous pouvez constater qu’Anthony a une tenue de circonstance. Un empereur romain, Caligula sans doute, qui fut un empereur aussi décadent que débauché. Nous pouvons dire ici que l’habit fait le moine.

Les deux femmes qui écoutent Anne pouffent de rire. Cette dernière continue sur sa lancée, parlant avec emphase, d’un ton précieux, imitant les manières raffinées de l’aristocratie très largement majoritaire dans cette foule colorée
- Entrer dans son univers, c’est franchir une dimension complètement folle et démesurée. Cette nuit nous ne sommes qu'une petite centaine, mais qu'en sera t-il bientôt pour son anniversaire ( A suivre dans la Nuit de Lesbos )? Anthony est un virtuose, c’est là une qualité qu’on ne peut lui retirer. Mais ses idées subversives lui donnent-elles le droit de propager une vision triste et éculée de l’autre monde, celui des hétérosexuels ? Voilà une question, chères amies, qu’il nous faudra débattre un jour
— Et sa sœur, parle-nous d’elle ! C’est un drôle de numéro, celle-là. Dans le genre marginal, elle bat tous les records ! intervient sa voisine de droite, une brune potelée déguisée en fée
- Sa demi-sœur, corrige Anne. J’y viens… Je vous présente donc la championne toutes catégories du mauvais goût et de la provocation, celle qui défraie les journaux à sensation par ses frasques nocturnes, et tous les vices qu’on lui connaît ne sont que la partie visible de l’iceberg… Croyez-moi, mieux vaut en rester là !
- Elle s’est fait dernièrement l’actrice Nicole Vivier. Les rumeurs précisent qu’elle n’a pas dit non très longtemps et qu’elle y a vite pris goût
- Nicole Vivier ! Tu rigoles ou quoi ! Elle est mariée à l’un des plus gros promoteurs immobiliers de la Côte.
C’est son amie qui vient de s’étonner de la nouvelle. C’est une grande maigre aux cheveux teints en vert, assez jolie, les bras minces encombrés de lourds bracelets, le front cerné d’un bandeau serti de chaînes qui tombent des tempes jusqu’aux épaules, le cou surchargé de colliers métalliques qui s’entrechoquent, et tous ses apparats tintent joyeusement au moindre petit pas, au moindre hochement de tête, ce qui est le cas alors qu’elle s’agite avec scepticisme
- Et alors ? L’un n’empêche pas l’autre. Sandra sait y faire au lit, je n’ai jamais entendu de femmes se plaindre de ses méthodes, même si elles ne sont pas très catholiques ! C’est le résultat qui compte, on ne change pas une formule gagnante !
La femme aux cheveux verts regarde son amie d’un air soupçonneux
- Dis donc, me dis pas que tu as tenté l’expérience avec elle, ou c’en est fini de notre relation, et tout de suite
- Arrête, ne te mets pas des idées pareilles en tête, je ne t’ai jamais trahie ! C’est vrai, sur la tombe de ma mère !
- Ta mère ! Tu te moques de moi ! Encore hier soir elle était à la maison, et elle nous a vidé tout le frigo !
Toutes deux se chamaillent tendrement sous le regard amusé de leur amie. La brune potelée se tourne enfin vers elle.
- Excuse-nous de cette petite interruption, mais Stéphanie a le don de m’exaspérer. Tu en étais où déjà ? Ah, oui, Sandra et ses mœurs dépravées ! Hum, tout un programme, j’adore ce genre de discussion.

Anne grimace un sourire méprisant.
- Arrêtez de fantasmer sur ses talents de lesbienne irrésistible. Sandra est juste une chienne en chaleur, mais, contrairement aux animaux, c’est chez elle un état permanent. Et pour Nicole, elle n’a aucun mérite de l’avoir dévergondée, il faut d’abord connaître les tenants et les aboutissants de l’histoire. Sachez donc que Nicole a enfin réalisé qu’elle était cocue depuis de longues années, que ses amis et sa belle-famille étaient au courant mais se gardaient bien de la prévenir, et c’est sans aucun doute par dépit qu’elle s’est laissé entraîner dans son lit. Voilà, Sandra était là au bon endroit et au bon moment, fin de la discussion.
La grande femme aux cheveux verts ne semble pas d’accord.
- Dis, si toutes les femmes déçues ou trompées par les hommes devaient se jeter dans les bras de la première femme venue, crois-moi qu’il n’y aurait plus beaucoup d’hétérosexuelles dans le monde. Je ne suis pas contre, mais je ne pense pas que ce soit le cas ici. Nicole a couché avec Sandra parce qu’elle en avait réellement envie, tout simplement. Et il faut cesser de baver sur son compte, t’es plutôt dure avec elle ! Elle traîne derrière elle une sale réputation, on dit les pires horreurs, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut prendre tous ces ragots pour argent comptant. J’ai lu pas mal d’articles la concernant, et je peux vous dire qu’elle en a bavé. La vie ne lui a pas fait de cadeaux, je ne souhaite à personne d’endurer ce qu’elle a enduré.

Anne lui jette un regard agacé. Son exaspération est aussi palpable qu’un orage sur le point d’éclater. Stéphanie est adorable, mais d’une bienveillance excessive, croyant toujours en la bonté de l’âme humaine, guidée par une incorrigible compassion qui lui fait partager les soucis et les peines de toute personne qu’elle rencontre, même les plus viles. En d’autres circonstances, c’est là une qualité qui l’honore, mais pas lorsqu’il s’agit d’un sujet aussi sensible que celui-ci. Par amitié, elle se contrôle, se contentant de prendre un air tout juste catastrophé.
- Oh, la pauvre Sandra ! Elle a tabassé à mort la maîtresse de son mari à la sortie de son boulot et a été inculpée de coups et blessures, mais ce n’est pas de sa faute ! On l’a arrêtée plusieurs fois pour conduite en état d’ivresse, excès de vitesse, exhibition sur la voie publique, consommation de drogue, et je dois en oublier certainement, mais elle n’y est toujours pour rien ! C’est une victime innocente de notre impitoyable société, pauvre petite fille riche, c’est vrai que ce n’est pas facile d’avoir des parents milliardaires.
Stéphanie ne dit rien, consciente de s’être aventurée sur un terrain épineux. Elle adore trop Anne pour la contrarier. Son amie est rarement cynique, elle a tout sauf un cœur de pierre, et elle doit avoir ses raisons pour détester Sandra. Pour détendre l’atmosphère, Stéphanie s'apprête à sortir une boutade, mais une clameur monte soudain de la foule. Les personnes qui se situent près du hall d’entrée reculent brusquement. Un cow-boy d’une soixantaine d’années avance, tenant par les rênes un magnifique cheval à la robe noire et luisante qui, levant haut les pattes, fait tinter bruyamment ses sabots sur le marbre du salon. C’est un animal fougueux, la tête haute, les muscles frémissants, il se cabre un instant pour manifester sa nervosité, mais l’homme le maintient solidement. Une femme pousse un cri effrayé, sa compagne la prend dans ses bras pour la rassurer. Des murmures de surprise accompagnent la progression de la monture et du cow-boy. Ce dernier, avec ses longs cheveux gris maintenus par une queue de cheval, a de la prestance, et surtout la verdeur et l’allant d’un homme beaucoup plus jeune. Il s’arrête à quelques pas d’Anthony et de sa sœur, ôte son chapeau et s’incline d’un geste théâtral
- Veuillez accepter ce modeste cadeau en gage de notre amitié. Pour toutes les fois où vous avez la gentillesse de nous recevoir dans votre magnifique demeure...

Anthony se dresse d’un seul élan et claque ses mains l’une contre l’autre comme un gosse surexcité. Sa tunique de soie pourpre renvoie des chatoiements colorés à chacun de ses mouvements. Il trépigne sur place, pris d’une agitation fébrile, riant et s’exclamant, et ceux qui ne le connaissent pas pourraient croire qu’il en fait trop, mais Anthony est ainsi. À côté de lui, Sandra s’est également levée, abandonnant les poses alanguies et profondément ennuyées qu’elle affichait jusqu’ici. Elle est maintenant sur des charbons ardents, repousse d’un air agacé la servante qui agite près d’elle un éventail en plumes d’autruche, et semble quêter du regard une autorisation de son frère. Il en est conscient et lui accorde sa bénédiction d’un léger hochement de la tête. Elle se précipite en avant avec un cri victorieux et monte sur le cheval d’un seul bond léger, saisissant fermement les rênes, enserrant de ses jambes musclées les flancs de l’animal qu’elle fait pirouetter impatiemment. Sandra est habillée en guerrière amazone, et sa tenue se prête admirablement à la situation tandis qu’elle chevauche sa monture, essayant de la maîtriser alors que celle-ci rue brusquement avec un hennissement de protestation. L’animal baisse la tête, décoche en tournant sur lui-même de furieuses ruades en direction de la foule, et la clameur terrifiée qui monte de celle-ci le rend encore plus nerveux. Il se dresse d’un seul coup, si haut qu’il donne l’impression de basculer sur le dos, puis ses sabots de devant retombent lourdement sur le marbre. Sandra réussit enfin à le calmer et le conduit à l’extérieur. Docile, le cheval se laisse mener. Les invités applaudissent avec effusion, les plus courageux se bousculent dehors, excités à l’idée d’assister à une exhibition spectaculaire. Ébahis, ils sont en effet témoins d’une démonstration impressionnante, contemplant le cheval et sa cavalière qui ne semblent faire qu’un, dans une harmonie parfaite. L’animal part plus vite que le vent dans un galop effréné. Couchée sur l’encolure, Sandra excite sa monture de paroles encourageantes pour accélérer l’allure. À bride abattue, elle s’éloigne des lampadaires qui éclairent l’entrée du parc pour disparaître dans la pénombre, comme avalée par la nuit. Soudain, le cheval réapparaît, jaillissant dans la lumière, et Sandra semble sur lui si petite qu’elle en est à peine visible. Elle le dirige sans hésitation droit sur une haie de buis, donnant des coups de talons pour l’amener à un rythme excessif devant l’obstacle. Pendant un bref instant, le temps semble s’être arrêté, l’image figée, comme si le cheval et sa cavalière étaient suspendus en l’air, stoppés en plein élan. Le choc sourd de l’étalon qui atterrit de l’autre côté de l’obstacle ramène les spectateurs à la réalité, c’est avec soulagement qu’ils crient des hourras triomphants. Sandra est restée en parfait équilibre sur sa selle, accompagnant l’envol de l’animal avec une maîtrise stupéfiante. Enfin, elle se décide à rentrer, obligeant le cheval à allonger sa foulée dans un mouvement rythmé, et ce avec un tel sens artistique, que la plupart des spectateurs en restent encore abasourdis. Avec regret, elle le laisse au vieux cow-boy puis rejoint son frère. Un mouvement admiratif l’accompagne, certains laissent exploser leur joie avec exubérance, d’autres la suivent des yeux, sans voix. Elle ne manifeste aucune bravade d’être devenue le centre d’intérêt, elle a fait ce dont elle avait envie, tout simplement. Elle est le genre de femmes à satisfaire ses caprices et assouvir ses désirs sans rendre de comptes à qui que ce soit, à n’en faire qu’à sa tête, habituée à se laisser guider par ses pulsions sans jamais penser aux conséquences, au-dessus des lois. Elle roule des hanches comme d’autres roulent des mécaniques, avec une indifférence cynique. Avant de s’asseoir, elle administre une tendre fessée sur le joli postérieur d’une jeune femme qui était sur son passage, et devant l’air offusqué de celle-ci lui adresse un clin d’œil grivois.
- Pas de doute, Sandra c’est la grande classe ! constate Anne avec dégoût
Ses amies trouvent cela au contraire assez drôle
- Pour une fois que c’est une femme qui se la joue macho !
- C’est vrai, voilà une nana bien dans son corps, bien dans sa tête, et bien dans son cul ! Cela fait plaisir à voir !
Anne préfère ne pas répondre et se contente de hausser les épaules. Ses yeux brillent d’une haine contenue lorsqu’elle fixe Sandra avec insistance. Cette dernière, inconsciente des sentiments contradictoires qu’elle suscite, a repris ses attitudes nonchalantes et lascives, les jambes croisées. Hautaine, elle salue de manière distraite les invités qui défilent. À sa droite est posé un guéridon sur lequel sont disposées coupes et assiettes remplies de gâteaux apéritifs, elle pioche dedans sans regarder et grignote avec gourmandise, se léchant goulûment les doigts. Il se dégage de toute sa personne une aura vénéneuse, à la fois malsaine et voluptueuse. Elle fascine et électrise de sa seule présence, avec plus de charme que de beauté. Le visage anguleux semble taillé au scalpel, dur, rigide, avec un teint pâle presque maladif, mais le tout est adouci par des yeux intenses, bruns avec des paillettes d’or, qui brûlent d’un feu secret, avec la même fièvre qu’un oiseau de proie. Sa mâchoire est trop forte, son nez légèrement busqué, mais une bouche proéminente apporte de la féminité et une arrogance charnelle. De longs cheveux blonds croulent sur ses épaules, avec des mèches soyeuses qui tombent sur son visage, voilant la lueur prédatrice de son regard. Son apparente rêverie lui donne les allures sournoises d’une lionne assoupie. Ses airs langoureux ne trompent personne. Tous connaissent son impétuosité, ses appétits pervers, son long corps souple et nerveux, son caractère de sale garce et de grande gueule qui fait fuir les hommes ventre à terre. Tout le monde l’a vue à la télévision ou dans les journaux, elle est la star maudite du rock, la chanteuse sexy et irrespectueuse qui choque et scandalise. À travers ses chansons, elle règle ses problèmes contre la société, se venge des hommes, méprise l’autorité et crache sur le pouvoir, revendique haut et fort son homosexualité, parle de sexe, de drogue, du droit à la différence. Ses manières franches et crues ne plaisent pas davantage, mais elle a un talent incontesté qui séduit une jeunesse rebelle, et son style outrancier fait le charme du personnage. Elle ne laisse pas indifférente, et cela fait vendre. La tenue qu’elle porte n’est pas faite non plus pour passer inaperçue, son déguisement d’amazone est très déshabillé et lui confère une apparence dominatrice, laissant entrevoir son ventre plat et, sous le nombril marqué d’un piercing, un large tatouage d’anaconda. Anne cesse un instant son examen sévère, distraite par une jolie serveuse qui porte des coupes de champagne sur un plateau. Elle se sert, aussitôt imitée par ses deux compagnes. L’une d’entre elles observe avec curiosité la jeune femme qui continue son service
- Ne travaille-t-elle pas au Sapho Club ?
Anne confirme :
- Si, elle dispense ses faveurs aussi vite qu’elle sert l’alcool. Si tu veux une fille facile, c’est elle qu’il faut choisir, mais attends-toi à un service express sans la moindre qualité !
Toutes deux gloussent et s’enlacent amoureusement.
- Plus la peine, j’ai trouvé mon bonheur
Anne les observe avec une certaine tendresse. Comme elle les envie ! Julie et Stéphanie filent le parfait amour depuis six ans. Anne les fréquente depuis de nombreuses années, elles se sont toutes les trois connues en Terminale. Julie s’est démarquée très tôt en portant costard et cravate au lycée, affichant sa différence lorsqu’elle hésitait encore entre les garçons et les filles, mais avec déjà une grande prédilection pour ces dernières. Son choix définitif étant fait, elle est passée par plusieurs étapes, avec des remises en question, avant d’affirmer son homosexualité par ses tenues vestimentaires, exhibant piercings et pantalons militaires, et adoptant une posture agressive pour mieux se distinguer des autres, les hétérosexuels. C’est ainsi que Stéphanie a compris vers où s’orientait la libido de son amie et a pu la séduire sans crainte. Son parcours à elle fut différent, plus prudent, elle venait d’un petit village de l’arrière-pays niçois où être homo était mal vu, honteux et tabou. Pour Stéphanie, il était donc normal de dissimuler sa différence, et elle a gardé cette attitude en s’installant à Cagnes sur Mer, même si elle fut rassurée de constater que dans les grandes villes les homos étaient mieux acceptés et avaient leurs propres lieux de rendez-vous. Elle vit sereinement sa sexualité, sans montrer ses tendances, sans s’en cacher non plus, ayant trouvé dans l’amour une totale plénitude. Anne admire ce juste équilibre que chacune a su établir. Elle n’a jamais eu cette force de caractère pour être en paix avec elle-même, ayant le sentiment d’être rejetée, une étrangère dans un monde hostile. Son humour exubérant est sa façon à elle de se protéger, de prendre du recul, d’observer la vie avec dérision. Fragile, d’une extrême sensibilité, elle s’évade dans ses créations artistiques, rêvant au grand amour qui finira un jour par frapper à sa porte. Sa solitude affective lui pèse énormément. Anne pense avec amertume aux seuls vrais instants où elle fut complètement heureuse. Avec Christelle... Avec l’amour elle se sent belle, forte, invulnérable, et elle peut affronter tous les obstacles, soulever toutes les montagnes. Anne se secoue, repoussant avec vigueur les doutes et les incertitudes qui viennent de l’assaillir. Elle ne va tout de même pas broyer du noir à l’une des soirées les plus prestigieuses de ce début d’été ! Elle est là pour faire la fête et espère bien se laisser griser par les fastes et les magnificences qui vont se succéder jusqu’au lever du soleil. Ce n’est pas Sandra qui va lui gâcher son plaisir. On leur a promis mille surprises - avec Anthony on peut s’attendre à tous les excès - et elle compte bien savourer chaque instant avec délectation. Elle jette un regard curieux tout autour d’elle, en quête d’un amusement quelconque. Les occasions ne manquent pas. Elle s’attarde brièvement sur les membres de l’orchestre qui, au fond de la salle, finissent d’installer leur matériel, mais préfère plutôt se concentrer sur le hall d’entrée. Elle observe le Marquis de Sade qui tient enchaînée l’une de ses esclaves, faisant battre le fouet devant lui pour la faire avancer plus vite. Devant ce spectacle, Sandra réagit vivement, elle se redresse de son siège et les contemple avidement, se passant une langue gourmande sur les lèvres. Son frère s’écrie d’une voix stridente :
- Enfin un spectacle digne d’intérêt
Il se tourne vers Sandra
- Ma chère sœur, ne vous mettez pas dans tous ces états, la soirée ne fait que commencer. Je suis certain qu’avant minuit vous aurez trouvé chaussure à votre pied, il y a bien dans l’assemblée une prude jeune fille à pervertir et à châtier.
Des éclats de rire fusent de toutes parts. Sandra ne relève pas, le regard fixé vers le fond de la salle. Une superbe noire, le visage empreint d’une grande dignité, s’approche d’une démarche chaloupée et se soumet au protocole, avec un sourire narquois. Elle a de l’allure, le port altier d’une princesse de légende. Stéphanie, intriguée, sollicite des informations sur cette sculpturale africaine. Anne satisfait sa curiosité, avec pour la première fois un profond respect
- Le destin de cette femme est exemplaire et a fait couler beaucoup d’encre, il y a quatre ou cinq ans de cela. Elle a été condamnée à mort dans son pays et doit la vie sauve à une vaste campagne de mobilisation internationale
-  Elle a commis un meurtre ?
- Non, son seul crime a été d’aimer une femme. On l’a accusée d’homosexualité, et chez elle cela est passible de la peine de mort
- Tu rigoles ou quoi ? On est au vingt et unième siècle, de nos jours ça n’existe plus ce genre de barbarie !
- Crois-moi, c’est véridique. Les circonstances sont particulières, Christelle en connaît tous les détails, elle l’a reçue comme invitée dans son émission. Pose-lui la question, tu verras !
Anne ne l’écoute pas. On vient de l’enlacer tendrement. Elle se retrouve face à un jeune homme camouflé dans une tenue en métal léger, sorte d’androïde post-apocalyptique version gay, avec des plaques multicolores qui brillent et miroitent dans des reflets irisés. Elle n’est pas surprise de sa présence.
- Julien, t’as pas trop chaud là-dedans ?
- Si, je fonds à petit feu. Et toi, que fais-tu ici ? C’est pas ton genre d’assister à ce genre de soirées, et ne me dis pas que ce sont Sandra et Anthony qui t’ont invité, je ne te croirais pas !
- Christelle avait plein d’invitations à refiler, c’est elle qui a insisté pour que je vienne. Crois-moi, maintenant je compte me divertir, même si c’est aux dépens des autres !
Julien lui dépose un baiser affectueux sur le front puis se dirige en ondulant vers un néo-punk qui ne cessait de lui décocher des œillades enflammées. Anne le suit un instant des yeux puis se détourne. Elle prête maintenant une attention toute particulière à une grande rousse qui est l’une des dernières invitées à entrer dans la salle, accompagnée de son mari. Stéphanie suit son regard et, intriguée, se presse contre elle avec une expression fébrile.
- C’est elle, Michèle ?
Julie, qui s’était un peu éloignée, surgit et hausse le ton
- Michèle, celle qui résiste à Christelle
- Pas pour longtemps. Qu’elle le veuille ou pas, elle aussi complétera son tableau de chasse. Christelle va se charger de la convaincre, on peut lui faire confiance… Il lui faut du temps, c’est tout. Mais la présence du mari jaloux ne va pas lui faciliter la tâche, c’est certain…
-  Draguer une femme avec son mari à côté ! Quand même ! Christelle n’a peur de rien, pour une femme elle en a dans le pantalon ! Il faut lui filer un coup de main. On peut demander aux copains de se charger de l’éducation du mari encombrant, cela laissera le champ libre à Christelle. Je déteste reconnaître lorsqu’un homme est pas mal, mais celui-là est plutôt beau gosse
- En effet, et tu n’es pas la seule à partager cet avis.
Anne signale d’un geste de la tête la présence de trois hommes qui, en face d’elles, s’agitent dans un bruissement de gloussements émoustillés et de murmures grivois. Déguisés en mousquetaires, ils ont le regard braqué sur le mari de Michèle. Anne échange avec ses amies un sourire entendu.

- Je crois que les volontaires ne vont pas manquer à l’appel pour divertir le mari gênant. Tous sont prêts à faire preuve d’un incroyable sens du sacrifice !

- Même Anthony va se désigner apte pour cette mission… Quel acte de générosité, quel dévouement ! Regardez-le se lécher les babines, même un dogue allemand ne baverait pas autant, la concurrence va être dure !

— Attention, la chasse est ouverte, l’hallali général va bientôt sonner !
Elles rient en observant avec attention tout ce qui se passe autour d’elles. Les couples homosexuels sont aussi nombreux que les couples hétérosexuels. Anne repère Claire, leurs regards se croisent et elles échangent un sourire amical. Claire saisit le bras de son mari et tous deux se dirigent dans sa direction. Leur présence n’étonne pas Anne, ils sont de toutes les fêtes, des habitués des soirées Gay Friendly qu’organise régulièrement Anthony. Ce sont des hétéros branchés, avec un look et un physique qui en imposent à leurs amis gays. Ils apprécient ces derniers pour leur sens de la fête, du spectacle, et ils ne ratent pas une occasion pour s’amuser en leur compagnie. C’est avec eux et ses semblables qu’Anne se sent réellement à l’aise, des personnes aux idées larges qui ne portent aucun jugement, aucune critique. Anne sourit en constatant l’évolution des mœurs ; à une époque ils devaient se cacher dans les ghettos pour simplement aimer, exister, et maintenant ils deviennent pour certains hétéros, dans certains milieux, des modèles à suivre. Ils influencent la mode et inspirent des choix culturels. Impossible presque de reconnaître dans l’apparence, crâne rasé et T-shirt moulant, piercings et pantalons militaires, un homosexuel d’un hétéro branché. Heureusement qu’il reste l’attitude et l’instinct, le feeling, pour faire la différence. Et certains codes entre eux pour se distinguer. Anne ne s’y est trompée qu’une seule fois, draguant une femme qu’elle pensait de son bord car elle en avait tous les signes extérieurs, et le souvenir de cet échec humiliant ne l’amuse toujours pas. Avec Claire elle avait failli également se laisser abuser, mais heureusement une amie l’avait prévenue à temps. Claire et Fabrice la rejoignent enfin. Claire a osé la provocation glamour et folle des années trente. Robe de soie qui, à la taille, s’achève par des plumes d’autruche. En haut, un top en mousseline de soie brodée de fils d’or. Fabrice a la distinction racée des gangsters de la même époque, avec chapeau de feutre Borsalino sur la tête. Julie et Stéphanie les connaissent bien et les embrassent chaleureusement. Anne a du mal à ne pas quitter Claire du regard, et elle s’efforce de ne pas montrer son intérêt. Elle a toujours eu un petit faible pour elle. Claire est divinement jolie, avec ses boucles blondes tombant sur ses épaules délicates, son nez retroussé et mutin, sa bouche espiègle, ses yeux rieurs et son adorable minois juvénile d'une grande pureté, illuminé par sa peau claire et laiteuse ( vous pourrez retrouver Claire dans " La villa des fantasmes ") . Anne détourne vite les yeux, réalisant que Fabrice l’observe avec une expression moqueuse. Elle est certaine qu’il a deviné depuis longtemps les sentiments qu’elle ressent, et cela la gêne horriblement. Pour se donner une contenance, elle boit d’un trait son verre et prend une poignée de raisins, suivant la conversation d’une oreille distraite. Son regard se perd dans la masse des danseurs, et un couple l’accroche rapidement. Michèle et son mari se trémoussent discrètement, ce dernier ayant remarqué avec dédain les trois mousquetaires qui ne cessent de tourner autour de lui en lui jetant des coups d’œil énamourés. Il les ignore, certainement habitué à provoquer des ravages chez les mâles comme chez les femmes, et il joue de son charme avec condescendance. Grand, élancé, sans une once de graisse, avec des muscles saillants qui se dessinent sous sa cotte de mailles de Chevalier de la Table Ronde, il bouge avec une aisance de félin, souple et vigoureux. Il a la beauté des séducteurs italiens, insolente, hautaine, certaine de son pouvoir et de sa suprématie. Un teint mat soigneusement bruni par le soleil, un nez aquilin, des yeux noirs perçants, la moustache conquérante, des cheveux noirs gominés et plaqués en arrière, il semble dominer sa femme avec une autorité méprisante. Cette dernière n’est ni soumise ni servile, mais elle lui obéit avec une indifférence polie, sans rien perdre de cette classe et de cette distinction racée qui la différencient des autres femmes. Sa tenue est celle d’un trappeur, avec veste et jupe en daim, et besace en agneau agrémentée de queues de ratons laveurs. Elle a l’air triste, et cela ne la rend que plus émouvante et mystérieuse. C’est sans un mot qu’elle le suit alors qu’il lui fait signe de regagner le buffet. Il ne souhaite pas la laisser seule, gardant un œil jaloux sur ce qu’il considère comme sa propriété. Julie les observe également, collée à Anne.

Puis vient évidemment le show de la soirée. L’interprétation de Sandra, qui chante les deux meilleurs morceaux de son dernier album. Avec son style très particulier, à la fois déjantée et lascive, déchaînée et impudique, Sandra subjugue son public, mêlant harmonieusement guitares électriques et synthétiseurs. Elle laisse ensuite sa place à la divine Léa Vannier qui avait déjà fait grande impression lors de son entrée, superbement déguisée en jeune paysanne à la fois ingénue et voluptueuse. Il s’agit là d’un tout autre registre, ambiance feutrée, calme et volupté, rythmes langoureux et tempos sensuels pour une chanteuse éclectique, aussi à l’aise en interprétant du jazz que de la pop. Elle illumine souvent de sa présence le Festival de jazz de Juan-les-Pins. Léa est une magnifique brune au charme envoûtant. Elle doit ses yeux bleus à son père breton, et son teint mat, sa longue chevelure brune et ses formes plantureuses à sa mère corse. Un héritage détonant pour une plastique parfaite qui déchaîne les passions les plus sauvages. On ne lui connaît aucun vice, à la grande déception de ses nombreux admirateurs et de Sandra qui ne rate pas une occasion pour essayer de la corrompre.

Anne laisse ses amies pour se servir un autre verre lorsque la musique change radicalement de rythme, plus classique, pour donner le ton au défilé qui prend la suite. De jeunes et jolies femmes descendent d’un pas mesuré un large escalier, atteignent la dernière marche, pivotent sur elles-mêmes, les mains sur les hanches, et remontent en croisant leurs compagnes, toutes indifférentes au tonnerre d’applaudissements qui les accompagne tout au long de la présentation. Malgré elle, Anne se laisse entraîner par ce tourbillon d’émotions, de couleurs flamboyantes, de musique lancinante et envoûtante, un spectacle aux accents lyriques auquel il est difficile de résister. Au bas des escaliers, le vieil homme déguisé en cow-boy suit le défilé d’un regard vigilant, l’air sévère.

- N’est-ce pas le couturier Jean-François Chelton ?

C'est Julien qui vient de lui poser la question, sirotant à ses côtés une boisson alcoolisée. Anne acquiesce.

- Lui-même. L’un des derniers mythes vivants de la haute couture française. J’adore son style, il a toujours bouleversé les tendances, en quête permanente d’un absolu. C’est un génie, toutes ses créations sont de pures merveilles !

- Un génie qui a la grosse tête. À chaque fois qu’il apparaît à la télé, c’est pour piquer des crises de colère et rembarrer les journalistes. Je ne l’aime pas et, si tu veux mon avis, je ne suis certainement pas le seul à partager cet avis.

- Ne te fie surtout pas aux apparences. Il est à l’opposé de l’image qu’il donne. Il est gentil, cultivé et drôle. Comme tout perfectionniste il est un peu exigeant, c’est tout.

- Et son besoin de rabaisser les mannequins qui travaillent pour lui ? Christelle m’a raconté qu’il pousse les filles à bout, jusqu’à les faire complètement craquer ! Excuse-moi, mais si c’est ça la perfection… Je me demande comment elle a pu le supporter aussi longtemps !

- Il pousse les filles à aller au-delà de leurs possibilités, à se surpasser, pour atteindre cette même perfection que lui aussi recherche. Si elles y arrivent, crois-moi qu’elles lui en sont reconnaissantes, il déborde alors d’une générosité sans limites, sa gratitude est aussi démonstrative que ses coups de gueule. Christelle n’est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds, mais elle a vite cerné le personnage et a accepté de faire ce qu’il attendait d’elle. Tu sais, elle est loin d’être stupide, et elle a foncé tête baissée lorsque Chelton l’a repérée pour représenter sa dernière collection, une chance inouïe qu’elle a saisie aussitôt parce que des opportunités comme celles-là ne se présentent qu’une fois dans une vie. Christelle a beau être insoumise, elle a vite appris à mettre de l’eau dans son vin, même si des fois il y a eu quelques frictions. Et c’est ça qui lui plaisait à Jean-François, c’est ça qu’il a exploité, le côté farouche et révolté de Christelle, en totale osmose avec la ligne de ses vêtements. Elle est devenue l’icône de la beauté, par son mélange de naturel et de sophistication, et a créé un style unique, le sien. Comme tu le sais, son succès a été immédiat, une reconnaissance internationale qui dure maintenant depuis cinq ans, et même en ayant mis un frein à sa carrière elle est toujours aussi sollicitée. Être l’égérie de Jean-François Chelton vous marque à jamais. Christelle lui doit énormément.

L’enthousiasme illumine son visage tandis qu’elle s’emballe avec passion. Mais une ombre de tristesse vient éteindre toute flamme alors qu’il lui dit :

- Et toi aussi, non ? Tes photos ont lancé sa carrière à une vitesse prodigieuse. Et tu l’as présentée à des personnes compétentes. Tout cela elle ne l’oubliera jamais.

- Je lui ai donné un petit coup de pouce, c’est tout. Elle est tellement belle qu’elle aurait réussi de toute façon.

- Arrête d’être aussi modeste. Tes photos ont fait la une des magazines de mode, tous se les ont arrachés, tu avais ton style bien particulier pour mettre Christelle en valeur. Avec toi elle rayonnait d’une beauté violente et ambiguë, elle représentait toutes les facettes et les contrastes du charme féminin ! Tantôt femme fatale, racée et sensuelle, elle devenait l’instant d’après une femme enfant, espiègle et mutine. Rien à voir avec toutes ces starlettes superficielles et éphémères qui encombrent les défilés de mode ! Tu as su transcender et sublimer son image d’une façon inimitable !

Anne fixe le défilé sans le voir, le regard perdu bien plus loin, et c’est d’une voix aussi lointaine qu’elle répond :

- Parce que je la voyais avec les yeux de l’amour. La passion stimule l’artiste, elle a été mon chef-d’œuvre. Pour ce que cela m’a apporté…

- Ta consécration. Et ta plus belle histoire d’amour. Ce n’est déjà pas si mal...

Anne se mord les lèvres. Son visage prend une expression douloureuse, creusant quelques rides sur son front tandis qu’elle lutte contre ses émotions. Ses mains fermement serrées l’une contre l’autre se tordent nerveusement. Elle pousse un soupir amer.

- Oui, sauf que toujours en parler au passé me déprime complètement ! Je préfère le présent, et pour l’instant c’est le grand vide, l’échec total, sur le plan sentimental comme professionnel. Ruminer le bonheur passé n’est pas fait pour me remonter le moral, je vais finir vieille fille lesbienne si ça continue, et en plus aigrie et acariâtre ! La totale, quoi !
Son humour reprend le dessus. Julien l’observe avec tendresse. Il a beaucoup de sympathie pour Anne, c’est sans doute la plus sincère et la plus attachante des femmes de son milieu, elle est restée nature, authentique, en retrait des manières hypocrites et superficielles. Elle se joue des convenances et croque la vie avec beaucoup d’humour et de justesse, et cela est d’autant plus admirable que cette allégresse apparente cache une immense blessure. Anne est toujours pourchassée par les fantômes de son passé et en reste profondément fragilisée. Photographe de mode très brillante, elle a un mal fou à gérer ses problèmes personnels, et ses aventures amoureuses tournent le plus souvent au fiasco. Elle est assez bohème, très rêveuse, et son détachement des valeurs matérielles ainsi que son caractère autonome provoquent évidemment quelques soucis relationnels qui portent ombrage à sa carrière, mais Anne l’assume complètement, résolue à défendre sa liberté créative. Elle a du mal à renouer avec la passion. Depuis Christelle qui fut une révélation à l’état brut, un modèle parfaitement maîtrisé par une photographe en état de grâce, Anne n’a plus jamais atteint la même exaltation, et elle se repose maintenant sur ses lauriers avec une certaine indolence. Julien est persuadé que seul l’amour pourrait l’aider à se relever, Anne a besoin de cette force pour être rassurée et épanouie. Il la soupçonne d’avoir toujours des sentiments très profonds pour Christelle, c’est une femme que l’on n’oublie pas facilement, et Anne est beaucoup trop romantique pour tirer un trait définitif sur ses plus beaux souvenirs. Anne dissimule parfaitement ses sentiments, elle se confie à peu de personnes. Elle scrute toutes les silhouettes et les visages qui l’entourent, apparemment à la recherche de Christelle.

Indifférente au défilé des mannequins qui présentent toujours la dernière collection du grand couturier. C’est un festival de couleurs chatoyantes, un chic bourgeois qui réinvente la féminité, alliant élégance et raffinement, mais cette abondance de luxe clinquant finit par la lasser.

Son regard est attiré par une foule compacte et bruyante qui vient de se regrouper au fond de la salle. Tout cela sent les intrigues et le complot, surtout avec Sandra au milieu qui semble être la meneuse, s’agitant et donnant des ordres avec une fébrilité communicative, comme un chef de meute organisant ses troupes pour l’hallali. Tout ce petit monde emprunte soudain le long escalier qui mène à l’étage, entraînant à sa suite la pulpeuse Léa qui paraît un peu désorientée, comme hésitante. Son mari est également de la partie, tête basse et épaules voûtées, comme si un lourd fardeau venait de lui tomber dessus. Intriguée, Anne se décide à les suivre. Cela ne lui dit rien de bon. Julie l’attrape par le bras alors qu’elle s’éloigne.

- Où vas-tu ?

- Voir ce que mijote Sandra. Elle prépare encore un sale coup.

- Génial ! Je viens avec toi.

De la porte ouverte leur parviennent des exclamations et une agitation confuse. Julie et Anne pénètrent à l’intérieur d’une somptueuse chambre. Un spectacle insolite s’organise au fond de la pièce, sur une estrade où un superbe athlète roule des muscles, se pavanant devant une foule agitée qui s’écrie et marchande le prix.

- J’en propose 200 euros.

Le géant brun gonfle le torse pour faire monter les enchères. Il est tout juste vêtu d’un paréo, son corps robuste est soigneusement huilé afin de mieux faire ressortir ses muscles luisants. Sandra est présente, sur l’estrade, et elle excite les spectateurs, jouant le rôle du commissaire-priseur. Elle touche les muscles noueux de l’homme d’un air admiratif, comme pour mettre en valeur la qualité de la marchandise.

- Allons, Messieurs, ce magnifique apollon est d’une vigueur incomparable et promet une longue nuit aussi incomparable ! C’est une superbe affaire à saisir ! Il vaut son pesant d’or, ne soyez pas radins !

- 300 euros !

Le prix continue de monter. Julie et Anne se sont mêlées à la foule qui se fait de plus en plus nombreuse. Anne est abasourdie, plongée en plein délire. Elle se tourne vers son amie.

- C’est un jeu ou ils sont vraiment sérieux ? Celui qui gagne remporte vraiment le droit de coucher avec son trophée ?

- Alors là aucune idée...
Julie ne sait vraiment pas. Et préfère ne pas savoir. À sa droite, un couple homosexuel qui roucoule sans discrétion relance le prix. Tous deux sont habillés en galants gentilshommes de la cour du roi, avec volants de dentelle aux manches et aux genoux. L’un d’eux s’écrie d’une voix précieuse :

- Montrez-nous la totalité de la marchandise, à savoir si la mèche est proportionnelle à la dynamite !

Son compagnon éclate d’un rire guttural, levant vers lui un regard langoureux. Sandra accepte la proposition et enlève le paréo, dévoilant un sexe qui, bien qu’au repos, garde des proportions plus que correctes. Cris admiratifs et soupirs extasiés se font entendre et, d’un coup, les enchères remontent vivement. Anne murmure :

- Pincez-moi, je rêve !

Tout est luxe et tape-à-l’œil, des tapis persans au parquet en bois admirablement ciré, du lourd rideau en velours rouge aux nombreux tableaux à connotation sexuelle. Sur l’estrade, derrière Sandra, sont assises sur de larges coussins trois autres personnes qui attendent patiemment leur tour. L’une d’elles est la superbe chanteuse Léa. Elle paraît agitée, l’air inquiet. Elle parcourt l’assistance d’un regard vacillant, se fixant sur une belle femme costumée en Reine de Saba, qui ne cesse de l’observer, lui adressant sans gêne un clin d’œil coquin. Léa se retient pour ne pas se sauver précipitamment. Elle regrette sincèrement d’être ici, maudissant son mari qui l’a entraînée dans sa chute, l’enfer du jeu qui, telle une spirale infernale, a inexorablement tissé sa toile, les engluant tous deux dans un piège inévitable. Avec des répercussions terribles. Menaçant même l'avenir de leurs enfants avec les dettes contractés qui jaillissaient sur le destin de toute la famille. Claude Vannier, directeur d’une banque privée, lui avait longtemps dissimulé ce mal qui le rongeait depuis de longues années : le vice du jeu. Un mal incurable, une obsession perfide et maladive où il avait tout sacrifié, la fortune familiale et celle de sa femme, n’hésitant pas à mentir et tricher avec un aplomb désarmant pour mieux tromper tous ceux qui l’aimaient et lui faisaient confiance. Ses dettes s’étaient accumulées, atteignant des sommes colossales, et il avait enfreint toutes les règles pour continuer d’assouvir sa passion. Léa avait fini par apprendre la vérité lorsqu’il avait hypothéqué la villa secondaire de ses parents, et c’est autant par désespoir que par pitié qu’elle l’avait soutenu et protégé, cherchant à chaque fois à réparer ses erreurs alors qu’il y replongeait toujours. La situation semblait définitivement perdue lorsque Sandra, apprenant on ne sait comment leurs déboires financiers, leur avait proposé une issue de secours, un odieux marché qu’ils avaient fini par accepter. Sandra se proposait en effet de rembourser la totalité de leurs dettes si Léa acceptait, durant toute une nuit, de se prêter entièrement à tous ses caprices, sexuels ou autres, et cela sans aucune retenue. C’est un mélange d’affection et de haine pour son mari qui l’a décidée à accepter la proposition. Sa façon à elle de se venger... Une leçon humiliante pour un homme inconscient et désinvolte, pour lui montrer jusqu’où ils devaient se rabaisser pour s’en sortir et rattraper ses erreurs. Ils étaient acculés au pied du mur, et elle devait maintenant payer de sa personne, lui ravaler son orgueil de mâle bafoué pendant qu’elle deviendrait le jouet sexuel d’une bande de dépravés. Un sacrifice qui ne serait pas vain s’il guérissait du démon du jeu.  Et c’est aussi par une fierté stupide de ne pas se dégonfler et montrer sa peur à Sandra qu’elle avait répondu positivement au défi que lui avait lancé celle-ci. Et voilà, comme une idiote, elle se retrouve maintenant à jouer les esclaves que l’on vend sur le marché ! Comment avait-elle pu faire une chose aussi insensée, sous le coup de la colère ? Il fallait qu'elle soit devenue complétement folle et désespérée ! Elle d'habitude si sereine, calme, réfléchie et posée. Où elle n'a pas sa place ici, dans ce tumulte de luxe et de vice, dont Léa s'est toujours détournée, fière de ses origines modestes, ses valeurs catholiques, sa simplicité, sa pudeur,  une conséquence du rapport qu'elle a avec son corps, où elle veut réussir par son seul talent et non grâce à sa beauté plastique. En suivant une ligne de conduite irréprochable, fidèle à ses convictions. Son passé n’est jamais oublié ou trahi. Il a une place primordiale, elle l’évoque souvent, pour mesurer le chemin parcouru.  Le hameau corse de sa mère perdu en pleine montagne, sa fugue à seize ans pour aller rejoindre son père à Erquy, le bar de son père, où elle poussait la note et émerveillait déjà les clients par sa voix suave, debout sur le juke-box, ses rêves d’ailleurs un peu fous, les légendes bretonnes qui l’ont fascinée. Et, surtout, cette constellation de femmes et de stars de la chanson qui ont relevé tous les défis, traversé les épreuves, fortes ou  fragiles, meurtries, frappées par la vie, nimbées de mystère, parties de rien et réussissant à assouvir leur rêve de jeune fille. Comme elle. Mais un rêve aujourd'hui menacé par un mari aussi stupide que addict au jeu, où tout pouvait se réduire à néant. La poussant au désespoir, à affronter Sandra dans un jeu aussi dangereux que sournois. Elle n’aurait jamais dû accepter, surtout en ayant connaissance depuis toujours des mœurs dissolues de cette lesbienne carrément nymphomane, adepte du bondage, SM et autres déviances sexuelles. Mais ses motivations de repartir à zéro et sur de nouvelles bases avec son mari étaient aussi pour elle une deuxième chance à saisir, aussi grand fût le prix.
Léa toise avec dédain cette foule bruyante et impudique. Il règne une ambiance décalée et extravagante, mais aussi elle doit le reconnaître un certain érotisme dans tous ces corps dénudés ; les hommes sont beaux et les femmes splendides. Il émane de la foule une fièvre contagieuse, une sensualité lourde et oppressante. Léa y est malgré elle sensible et fait tout pour le dissimuler. Surtout à Sandra, plutôt mourir que lui avouer ses faiblesses ! Elle s’est toujours refusée à elle et, depuis, Sandra la poursuit d’une hargne tenace, la défiant à la moindre occasion pour la mettre dans des situations embarrassantes. Et elle a enfin l’occasion de parvenir à ses fins, la tenant totalement à sa merci. Avec appréhension, Léa se demande comment cela va vraiment finir. Surtout que cette obstination d’une femme pour une autre femme est nouvelle et troublante. Jamais elle n’a suscité un tel désir. Comme cette femme brune qui l'observe dans la foule, rayonnant d'un tel feu intérieur qu'elle se démarque des autres . Elle la connait. Rachel, un grand chef cuisinier qui a ouvert de nombreux établissements culinaires de Nice à Marseille... Elle est l'une des rares personnes de la villa à ne pas être costumée, sans doute par son statut de responsable et d'organisatrice du repas de cette nuit. Une femme d'affaire impitoyable et exigeante  régulièrement auréolée de très nombreuses distinctions et prix culinaires, l'une des femmes les plus étoilées dans un domaine plus particulièrement réservé aux hommes. Mais qui jouit aussi d'une réputation sulfureuse, défrayant les chroniques par ses frasques exubérantes, au point qu'il était difficile de trier le vrai du faux sur toutes les rumeurs. ( Vous pouvez la retrouver dans le "Réveil de la Bête" ). 
Rachel la dévore des yeux comme un fauve affamé. Son regard luisant, d’un noir fougueux, a quelque chose de magnétique. Léa cède à la tentation et l’observe à son tour avec moins d’hostilité, se livrant plus qu’elle ne le voudrait. Elle frémit en recevant l’appel de ses grands yeux exigeants, brûlants de désir. Cette femme lui paraît brusquement différente, scandaleusement belle et provocante, avec sa bouche charnue, son visage mat à la peau lisse, le pli des lèvres qui se creusent avec une expression gourmande. Il y a une abondance de luxure dans les yeux aux paupières lourdes et dans les lèvres sensuelles, une force sexuelle totalement déroutante. Léa tente de s’en dégager, et son attention est heureusement détournée par l’acquisition du faux esclave qui a enfin trouvé preneur, une brute épaisse à qui le déguisement de gladiateur va à merveille. Tous deux s’apprécient du regard puis traversent la foule en paradant et minaudant, insensibles aux congratulations et pincements aux fesses. Des réflexions salaces les accompagnent encore alors qu’ils sortent de la chambre.

C’est au tour de Léa d’être vendue, elle se lève et avance. Un murmure approbateur gagne les spectateurs. Les enchères commencent, mettant vite la barre très haut. Sandra tourne autour d’elle avec agitation, le regard brillant, et encourage les offres d’une voix rauque. Léa est surprise que ses yeux reviennent souvent sur Rachel, s'agitant dans la foule. Elle y lit un désir si ardent que c’en est presque effrayant. L’envie de répondre à ce désir la tenaille sournoisement, elle se demande pour la première fois de sa vie si elle aimerait goûter à une autre femme. L’idée soudaine de se laisser aller à cette liaison coupable, de se donner corps et âme à une lesbienne volcanique qui brûle de désir pour elle l’excite prodigieusement. Dans le public, un homme malingre propose une forte somme pour la posséder, sa voix est frêle et à peine audible. Mais deux femmes veulent également l’acquérir, dont Rachel. La bataille est rude, et Léa espère de tout cœur que personne n’aura le dernier mot, que tout finira normalement. Un miracle qui lui évitera de trop payer de sa personne... Les enchères s’éternisent, elle relâche sa vigilance, oubliant la présence perfide de Sandra qui s’approche de plus en plus d’elle. Cette dernière avance les mains pour tenter de la déshabiller. Le regard glacial de Léa la stoppe en plein élan.
- Touche-moi et je t’arrache les yeux !
Sandra prend un air effrayé, prenant la foule à témoin.
- Quelle jument fougueuse ! Qui aura le plaisir de la monter pour lui apprendre les bonnes manières ? Qui sera l’heureuse élue ? Mais ne serait-il pas normal de voir cette pouliche dans son plus bel appareil ? Pourquoi aurait-elle un traitement de faveur ?

- À poil, à poil ! s'écrie la foule en délire
Une lueur de joie sadique illumine le regard de Sandra tandis qu’elle prend un air peiné.
- Désolé, la foule réclame son droit le plus élémentaire. Tu vas devoir te laisser faire.
Puis, au creux de l'oreille, lui murmure :
- N'oublie pas notre marché, alors pas de scandale !
Léa ne dit rien, accusant le coup en silence. Et acceptant sa défaite.
Alors Sandra en profite et entreprend de la déshabiller avec hâte, presque brutalement. La débarrassant de sa robe blanche imprimée de fleurs, aux couleurs pastels, à la coupe grossière, un déguisement sommaire de paysanne ou fille de la campagne. Léa se crispe, ferme les poings. Son superbe visage de madone, encadré par de longs cheveux d’un noir intense, reste froid et imperturbable. Leurs regards se croisent un instant, et Sandra est déroutée par la limpidité des yeux bleus qui ne se dérobent pas. Elle dévoile nerveusement les épaules gracieuses, dégage les seins ronds, généreux, fiers et aux aréoles sombres, le ventre plat, la taille flexible. Léa a un corps magnifique, sculptural, tout en courbes insolentes et harmonieuses. La foule retient son souffle, émerveillée, subjuguée. Puis un murmure fébrile agite les spectateurs lorsque Léa apparaît presque nue, simplement vêtue d'une culotte blanche. Léa frémit puis a le réflexe immédiat de ramener ses longs cheveux sur sa poitrine pour la dissimuler aux regards avides. Impitoyable, Sandra les lui ramène en arrière, l’obligeant à se dévoiler au maximum. Ses yeux sont brûlants de fièvre tandis qu’elle la dévisage goulûment. Elles se défient encore du regard, Léa cède la première et baisse les yeux. Sandra profite de son avantage et s’adresse à la foule.
- Voyons si elle est saine.
Puis, se tournant vers Salma :

- Ouvre la bouche !

Elle pose ses doigts sur la lèvre supérieure de Léa et la caresse lentement sur toute la longueur. Puis, avec volupté, elle introduit deux doigts dans sa bouche, les écartant pour mieux palper l’intérieur avec profondeur. Léa la laisse faire, l’observant fixement avec bravade, le visage figé. Elle sursaute malgré elle lorsque les doigts vont et viennent dans sa bouche, simulant l’acte sexuel, dans sa signification la plus crue. Elle accepte l’humiliation, fixant alors son mari d’un regard chargé de haine, comme pour le culpabiliser encore plus alors qu’elle accepte tout cela par sa faute. Honteux, le visage cramoisi et le front moite, celui-ci baisse les yeux. Léa, au contraire, ne cille pas, regardant maintenant Sandra droit dans les yeux, comme habitée d’une force intérieure et d’un courage exceptionnel, alors que des doigts habiles continuent d’explorer l’intérieur de sa bouche avec une minutie obscène. Sandra esquisse un léger sourire de triomphe, ravie de l’humiliation qu’elle lui fait subir. Puis c’est à son tour de sursauter violemment. Léa, sans la quitter des yeux, se met à lui lécher les doigts, avec une gourmandise perverse, avalant les doigts pour les sucer avidement. Mais son expression est moqueuse, une joie cruelle de l’avoir prise à son propre piège et de se moquer ouvertement d’elle. Sandra retire vite sa main, troublée et désorientée. Un coup de poing en plein ventre aurait été un choc moins violent, et seule la foule autour d’elle l’empêche de se jeter sur cette femme pour la posséder avec une fureur dévastatrice. Elle se reprend vite et se retourne vers la foule.

- Pas de problème, elle est saine. Allez, faites monter les enchères !

Elle bout d’une rage contenue et d’un désir si frustré que c’en est douloureux. Léa l’a toujours excitée comme aucune autre femme, avec une intensité telle qu’elle en devient insoutenable. C’est une femme fière et indomptable qui résiste à la passion, qui s'efforce sans cesse de représenter une image respectable et lisse, sans reproche. Sandra reste persuadée que sous ce masque de froideur et de respectabilité coule un feu ardent, de la lave en fusion qui ignore encore ses effets dévastateurs. Elle veut réveiller cette nature voluptueuse, l’enflammer. Léa lui résiste, et cette rébellion ne fait que l’aiguillonner davantage. Cette nuit, elle réussira à la soumettre et à la posséder. Cette idée lui procure une délicieuse exaltation. Elle sent son pouls et sa respiration s’accélérer en l’imaginant ardente et souple entre ses bras, roucoulante, défaillante de plaisir. Elle entend à peine les propositions du public qui se bat pour avoir le dernier mot.

- 1 800 euro !

Le prix lancé met un moment à lui parvenir au cerveau. C'est une grande brune qui vient de lancer le prix et monte sur l'estrade d'un pas assuré. Rachel. Évidemment, Sandra la connait, c'est une vieille amie, qui ne tolère aucun refus. Autoritaire et dominatrice. L' envie de cette femme se fait pressante. Sa voix est encore plus rauque lorsqu’elle déclare :

- Deux mille euro, j'arrondis le chiffre. Et, Sandra, tu respecteras quand même ta parole, les dettes de son mari à rembourser. Je sais tout. Et c'est non-négociable ! Maintenant, Léa  m’appartient, pour toute la nuit…

Léa en profite pour vite se rhabiller alors que les deux femmes se défient du regard. L'air semble grésiller d'électricité. Puis Sandra s'avoue vaincue.

- Je n'ai qu'une parole. Elle est à toi.

Rachel observe Léa en silence. Le désir de Rachel est si palpable que la température semble monter d'un coup. Elle attrape Léa par la main et l'attire à elle. Sans fermeté, mais avec douceur. Léa  relève la tête d’un air altier.

- Faites de moi ce que vous voudrez, mais ne pensez surtout pas que je vais y prendre du plaisir. Vous aurez mon corps, mais ce sera un corps sans vie et sans passion. Vous voilà prévenu...

- Qui te dit que tu n’y prendras pas plaisir ? Tu me sous-estimes, ma chérie…

- Je n’aime que les hommes. Ils sont les seuls à pouvoir me faire vibrer.

Une lueur sournoise brille dans le regard de Rachel alors qu’elle rétorque :

- Je sais, c'est ce qu'elles dites toutes. Avant... Mais après c'est une autre chanson ! Allez, viens, on va s’éclater comme des folles !

Elle garde la main de Léa dans la sienne, l'entraînant à sa suite. Celle-ci, avant de quitter la pièce, jette un dernier regard à son mari. Plus de haine ni de défi, mais de la peur et de l’incertitude. Celui-ci baisse les yeux avec toute la lâcheté du monde, n’esquissant aucun geste pour mettre un terme à cette odieuse mascarade. Quand il relève la tête, les deux femmes ont déjà disparu.


L'intérieur de la chambre est plus grand qu'il n'y parait et reste en harmonie avec l'impression de luxe et de raffinement qui se dégage de toute la propriété. Les baies vitrées ouvertes donnent sur une terrasse privée, masquée par des rideaux vaporeux qui laissent luire à travers la clarté de la lune.  Le mobilier est un mélange d'antiquités françaises à l'époque de la révolution, de mobilier rustique et de souvenirs du conflit qui opposa les troupes royales face aux insurgés. L'espace mural, qui n'est pas occupé par des drapeaux de régiments et de lourdes tapisseries d'une noblesse révolue, offrent plusieurs toiles expressionnistes gigantesques, du Palais-Royal où un révolutionnaire harangue la foule surexcitée,  de la prise de la Bastille,  de la fuite de plusieurs nobles, dont le prince de Condé et Mme de Polignac. Une ambiance de sang, de fureur et d'hystérie qui imprègnent la pièce d'une atmosphère sauvage et électrique. Ce qui n'est pas pour rassurer Léa alors que Rachel se laisse dominer par des pulsions animales et incontrôlables en se collant à elle, l'étreignant par la taille d'une main, lui nouant la nuque de l'autre, cherchant un contact de plus en plus étroit. Haletante, Léa a le temps de s'exprimer entre les succions et les coups de langue humide qui s'approchent dangereusement de sa bouche.
- Écoutez, je vous rembourse les 2000 euros, on fait croire à tout le monde que nous avons fait l'amour et Sandra est satisfaite,  elle remplit sa part de marché et me fout ensuite la paix. Chacun y trouve son compte et... Oh !
Difficile de parler alors que l'autre vient de glisser une langue vorace dans sa bouche, coupant net tout dialogue. Surprise, Léa se sent vaciller. Elle titube, avec Rachel toujours accrochée à elle comme une sangsue, et les deux femmes finissent par tomber dans un fauteuil. Rachel profite de la situation pour la coincer sous elle, repartant à l'attaque, prenant de nouveau possession de sa bouche avec plus d'ardeur.
C'est la première fois que quelqu'un l'embrasse avec tant de passion et de fougue, une ardeur qui a quelque chose d'effrayant, mais de troublant aussi, un désir primitif aussi primaire que contagieux. Abasourdie, Léa ne peut que protester par des petits gémissement plaintifs, avec un tel mal à respirer que sa bouche reste grande ouverte, facilitant les baisers voluptueux de sa partenaire déchaînée. Sa langue a un goût sucré et piquant, irradiant dans le palais de Léa de douces décharges électriques qui descendent en vagues brûlantes le long de son corps. Elle se ferme malgré tout à toute sensation qui pourrait être trop agréable. Une femme aimant les femmes aurait pu adorer ce genre de baisers, mais pas elle. Pour l’embrasser, Rachel s’est étendue de tout son corps sur elle, plantant un genou entre ses cuisses, et des deux mains elle s’empare fermement de ses fesses et les malaxe vigoureusement. Ainsi, elle ne cesse de l’attirer à elle, forçant leurs corps à entrer en contact de façon toujours plus étroite. Léa se tétanise, un bloc de glace, comme si son esprit et son corps s’obligeaient à rester hermétique à toute émotion. Les yeux fixes et stupéfaits, elle essaie d’accrocher le regard de sa partenaire en transe, en proie à une folle inquiétude et hésitant sur l’attitude à prendre. Rachel est aussi volcanique que survoltée, apparemment sourde à tout arrangement ou toutes négociations. Ce qui réduit à néant tous les espoirs de Léa, elle qui pensait par quel miracle ne pas trop payer de sa personne. Rachel semble toujours vouloir se fondre en elle. Résignée, Léa ferme les yeux, le souffle court. Elle décide d’attendre la suite des événements, croyant encore à un coup du sort qui lui permettra peut-être de ne pas aller jusqu'au bout. La chance de dernière minute... Son esprit vagabonde, fuyant l’événement présent. A savoir que le prix à payer n'est rien tout compte fait pour sauver sa famille de la ruine et du désastre, que tout sera bientôt fini... Pour la sortir de sa torpeur, Rachel la chevauche, frottant son entre-cuisse d’un long mouvement du bassin sur les longues jambes parfaitement galbées dont elle peut, sous elle, apprécier la finesse des lignes et les muscles divinement dessinés sous la peau douce et soyeuse. Un contact qui l’excite incroyablement alors qu’elle continue de s’y appuyer, se déhanchant dans un mouvement obscène.
Trop stupéfaite pour réagir, Léa la laisse faire, réfléchissant encore sur le comportement à adopter. Elle se fait toute molle, comme morte, espérant décourager sa partenaire. Le marché comprenait une soumission totale, mais en aucun cas de la participation. Elle sent le poids des seins contre sa poitrine, la peau mate vibrer et onduler souplement tout contre elle, et ce contact est délicieusement aphrodisiaque. De cette chair frémissante et satinée monte des effluves frais et sensuels, une odeur terriblement enivrante qu’elle aspire à pleins poumons. Comme pour y échapper, Léa  ouvre soudain les yeux, se fixant sur la décoration autour d'elle pour penser à autre chose. Ignorant les yeux fiévreux qui brûlent dans la pièce, la dévorant des yeux  avec intensité. Rachel, continuant ses ruades lascives, continue de poser ses yeux brûlants sur l’échancrure de la robe blanche qui laisse voir la naissance d’une magnifique paire de seins que le soutien-gorge à du mal à contenir. Elle n’arrive pas à détacher ses yeux de ces divines rondeurs, impatiente de découvrir la poitrine dans sa somptueuse nudité. Elle n’y tient plus, sa main s’avance vers la poitrine haletante, mais Léa saisit ses poignets en plein vol et l’immobilise.
-  Non, pas ça… implore t- elle.
Elle a toujours été très réceptive de la poitrine. Lorsqu’elle était en état d’excitation, ses seins présentaient de très larges aréoles dont la peau, particulièrement fine, devenait extrêmement sensible. Et, avec horreur, elle réalise qu’en ce moment ses tétons sont dressés d’une façon significative, frémissants au milieu des aréoles qui se durcissent justement en monticule. Inutile donc de jouer avec le feu en se prêtant à des caresses qui peuvent déborder sur un chemin qu’elle s’interdit d’emprunter.
Elles se tiennent toujours les mains mais Rachel, assez vite, lui immobilise les poignets et les maintient solidement de chaque côté de son corps. Pour obtenir son consentement, elle la menace.
- Laisse-toi faire si tu veux que je dise à Sandra que tu as tenu parole. Un seul mot de moi et elle ne remboursera jamais les dette de ton stupide mari. C'est ce que tu veux ?
Une lueur fiévreuse passe dans les yeux de Léa; elle déglutit bruyamment, sa bouche s’entrouvre et les ailes de son nez se mettent à battre sous l’effet d’une forte émotion. Son silence est toutefois un accord tacite. Elle a perdu la bataille. De nouveau, elle ferme les yeux, comme cherchant à s’échapper par la pensée, se réfugiant dans une carapace métallique
Déjà, Rachel l’embrasse goulûment, glissant une langue vorace dans sa bouche. Léa ne peut y échapper, subissant l’exploration intime qui provoque encore des petites décharges électriques dans tout son corps. Rachel embrasse divinement bien, un mélange de fougue déstabilisante et de volupté appliquée, où rien n’est délaissé et épargné. Léa découvre chaque millimètre des parois intérieures de sa bouche comme elle ne l’a jamais ressenti, et c’est éperdue qu’elle se laisse faire. Son cœur menace de lâcher alors que leurs langues se lovent dans une étreinte sinueuse et mouillée, se nouant et se provoquant délicieusement.
Léa a beau prendre conscience de s’engager sur un terrain glissant, cherchant à fuir le baiser, mais c’est comme si elle n’avait plus de volonté, plus de force. Sa langue semble ne plus lui obéir et suivre Rachel dans des jeux de langues et spirales mouillées terriblement dangereuses. Sur le fauteuil, Rachel la saisit fermement aux hanches et se colle plus étroitement à elle, accompagnant ses baisers fougueux d’imperceptibles mouvements de son bassin contre son ventre. Toutes deux vacillent, haletantes et tremblantes, continuant de s’embrasser simultanément. Si elles avaient été debout, aucun doute que l'une d'entre elles serait tombée, prise de vertige. Léa ne se reconnaît plus, incapable de retrouver ses facultés mentales. La situation la dépasse. Elle est piégée, livrée corps et âme aux assauts lubriques de cette femme qui, aussi habilement que sournoisement, a fini par la plier à ses exigences, menant la danse et la tenant complètement à sa merci. Pour Léa, c’est un déferlement d’émotions et de sensations qu’elle n’a jamais connu, déclenchant un redoublement d’ardeur qui en est presque effrayant, si brutal, si primitif. Pourtant, un moment, elle a encore l’énergie de prendre conscience de son état, de prendre peur alors que Rachel la relève, l'emporte vers le lit, avec l'impatience fébrile de la prédatrice qui emporte sa proie dans son antre, où tout va se jouer, la défaite totale. Là, au bord du lit, Léa s’affole, consciente d’être terriblement vulnérable, bientôt perdue. Dans des gestes experts et fébriles, Rachel la déshabille, lui faisant voleter la robe au-dessus de sa tête.  Puis continue de la mettre à nue, sans cesser de l'affoler de baisers ardents, de caresses enflammées, dans une sarabande de volupté qui provoque frissons et étincelles, pour ne lui laisser aucun répit. Léa tente de saisir le poignet, d’arrêter le geste, mais c’est trop tard. Son soutien-gorge vient de retrouver sa robe à terre. Et aussitôt après son boxer, la dévoilant dans toute sa nudité. Léa est d’une beauté remarquable, encore plus désirable dans son trouble, lumineuse de pureté et débordante d’une sensualité réfrénée.
Elle reste figée et interdite, alors que ses seins viennent de jaillir, gonflés de désir, fermes et superbes, se soulevant au rythme d’une respiration oppressée. Ébahie, Rachel cesse un bref instant de s’activer pour la contempler en toute quiétude. Elle dévore des yeux les courbes divines, de la splendide poitrine à la finesse du buste, du ventre plat au dessin délicat des côtes, et surtout le triangle sombre de son bas-ventre qui tranche avec la peau dorée et satinée. Toutes ces splendeurs décuplent d'autres envies plus charnelles encore, Rachel  en tremble d’émotion. Une émotion partagée alors que Léa reste toujours immobile, visage pâle et lèvres serrées, luttant contre l’émoi qui la tenaille. Ses cheveux lâchés et répandus en vagues sinueuses sont les seuls à bouger alors qu’elle hoche la tête avec incompréhension, comme se demandant ce qui lui arrive. Elle croise ses mains sur son sexe, protégeant en même temps sa poitrine de ses avant-bras, ultime défense qui n’a aucun sens alors qu’elle a provoqué cette situation, consentante et seule responsable de ce qui lui arrive maintenant. Qu’est-ce qu’elle a pu être naïve en croyant s’en tirer à bon compte, dans l’espoir de ne pas trop payer de sa personne. Voilà, elle a joué avec le feu et elle a perdu, sous-estimant le pouvoir de la chair et surtout les désirs latents d’homosexualité qui sommeillaient en elle, des envies trop impétueuses pour être maîtrisées. C’était écrit, on ne peut tricher contre sa vraie nature, et elle doit en accepter les règles jusqu’au bout. Aussi se laisse t- elle faire lorsque Rachel se colle à elle, s’amuse à glisser une langue gourmande sur son visage, parcourant sa bouche avec avidité, descendant jusqu’au long cou gracieux, s’attardant sur la gorge palpitante, avant de laper goulûment les délicates épaules. Elle s’extasie entre deux succions :
-  Comme ta peau est douce, comme tu sens bon !
Léa ferme les yeux, ayant de plus en plus de mal à respirer. Elle pousse un cri de surprise lorsque Rachel appuie sur ses épaules, la renversant en arrière pour la coucher, et cherchant aussitôt à s’allonger sur elle.
-  Non !         
Léa ne veut pas tomber dans ses filets, aussi impuissante qu’un insecte englué dans une toile d’araignée, et elle repousse Rachel alors que celle-ci veut se couler sur elle. Mais elle regrette vite son geste. Rachel, du coup, glisse aussitôt à ses pieds, s’accrochant à ses jambes qu’elle écarte pour lécher ses cuisses sur toute leur longueur, du genou à l’aine.
Là, Léa bondit comme si on l’avait branché sur du 220 volts, un frisson si voluptueux qu’elle prend peur. Les dés sont jetés si elle continue de rester étendue ! Avec un sursaut de désespoir, elle réussit à se remettre debout, repoussant sans ménagement la brune incendiaire qui cherchait à la coincer aussi sous elle.  Peine perdue. Rachel reprend le dessus et l'immobilise sous elle, l’enlaçant de tous ses membres, s'activant et la relançant sans pitié. Bon sang, cette femme est une vraie démone, le feu au corps, le diable dans la peau, avec une sensualité étourdissante, une tornade de volupté qui ne laisse rien passer.
Dans ses yeux brille une lueur de joie sadique. L'avidité de la prédatrice sûre de sa victoire... Comme si elle anticipait la suite, des promesses de caresses inouïes et inédites, elle s'attaque enfin à sa poitrine, devinant par avance des zones érogènes à explorer sans pitié. Elle se mets à faire durcir le bout de ses seins et, sans attendre,  penche un peu le cou pour venir prendre les mamelons généreusement offerts dans sa bouche avide.
Elle se mets à les lécher, les téter. Avidement. Goulument.
Cela est trop pour Léa. Roucoulante, se tordant en tout sens, elle  commence à perdre complètement la tête.
Au bord de l'orgasme par cette seule caresse divine.
La bouche de Rachel descends ensuite le long de son cou, puis sur sa gorge. Pendant que sa langue agace sa peau, ses mains continuent de caresser les seins. Elle les presse doucement, alternant effleurement délicat et volupté plus appuyée.
Rachel ne parle pas mais Léa entend sa respiration lourde, oppressée, de celle qui lutte contre une excitation intolérable, savourant avec délice le plaisir que le corps de sa partenaire débutante lui donne et lui promet.
Allongée sur le dos, Léa ne pense plus à rien, plus de combat intérieur, envahie  par ce bien-être étrange et nouveau qui va lui autoriser toutes les folies.
La langue de Rachel se faufile maintenant jusqu’à son nombril qu’elle se met à taquiner, à laper, à engloutir d'une langue avide et d'une bouche pressante. Avant de descendre, descendre, descendre...
N'y tenant plus, en proie au délire, Léa soulève son bassin, plie les jambes, les écarte indécemment, s'ouvrant toute entière.
Et, enfin, avec un râle impatient et extasié, elle sent la langue glisser entre ses cuisses et se mette à la fouiller avec un art incomparable.
Rachel est si habile. Experte, précise, comme devinant ses attentes. Délicatement, elle lui ouvre le sexe et sa langue aspire son bouton.
Involontairement, Léa sent son bassin aller à la rencontrer de la bouche active, sollicitant et quémandant d'autres sensations plus aiguës qui ne cessent de la submerger crescendo. Rachel obéit à sa demande. Sa salive se mêle à sa jouissance.
Avec un cri libérateur, Léa  explose quand les dents ont adroitement mordillé son clitoris, se mêlant au jeu intime. Éperdue de désir, elle gémit bruyamment  comme une petite fille en chaleur, soulevant le bassin et remuant des fesses, ne cessant de se vider contre la bouche vorace qui la boit jusqu'à plus soif.
Léa hurle son plaisir. Un autre, plus intense.
Elle a perdu toute volonté, toute pudeur.
Affolée, elle sent vite monter un autre orgasme, quand Rachel introduit deux doigts profondément dans son vagin largement lubrifié en les remuant adroitement et très vite, comme un sexe qui va et vient de façon impitoyable, longuement.
Léa crie de plus belle quand tout son bas-ventre vibre furieusement de jouissance. Et, étourdie, stupéfaite, subit d'autres assauts et d'autres ardeurs qui ne cessent de la surprendre et l'emporter toujours plus loin.
Rachel fait vraiment l’amour comme une tigresse déchaînée, griffant, mordant, feulant, avec une sensualité sauvage et dominatrice. Tout en l’embrassant, ses mains partent en découvertes fébriles, glissant, rampant, allant de courbes en courbes, provoquant partout où elle passe des soupirs surpris. Car, avant tout, au-delà du désir, c'est bien de l'étonnement et de l'émerveillement qui éblouit Léa. Jamais elle n'a été à pareille fête lascive, un déchaînement de volupté effrénée. Elle en devient suppliante et pathétique de candeur dans ses plaintes et ses hoquets à la fois ravis et ébahis. Ce qui ravive le désir de Rachel qui, encore plus excitée, redouble d’efforts avec frénésie. Elle se montre si habile et opiniâtre que Léa se retrouve vite dans un état de surexcitation incontrôlé, comme possédée, et porte d’elle-même la main entre les cuisses qui s’offrent à ses avances. Pour la première fois, elle touche un autre clitoris que le sien, s'en grise, s'en régale, y porte la bouche, le visage et les mains barbouillés d’un liquide féminin, et elle entend une femme jouir à pleine voix de ses caresses. Cette découverte lui monte à la tête, et elle s’enfonce davantage dans un tourbillon de stupre et de luxure qui laisse Rachel en transe.
Quand Léa enfonce dans son sexe un troisième doigt et qu’elle les remonte, comme pour le crocheter, en les agitant vigoureusement à l’intérieur de son vagin, les mains de Rachel s' accrochent fortement à ses épaules et elle se mets  à râler de plaisir.
Assez vite, elle ne peut plus se retenir, ivre de plaisir, et s'abandonne à un terrible orgasme : une jouissance folle, comme un grand trou noir où elle se sent aspirée. A la limite de perdre la raison.

Les gémissements de Rachel rejoignent les siens et elles débutent un 69 terriblement sensuel et sonore. Pour une première fois, Rachel veut une communion totale, que cet instant pour l'hétéro novice soit un moment fort et intense, inoubliable ! Tentant de garder le contrôle de son corps et de sa jeune amante tout en maintenant une folle excitation, les tenant en équilibre au bord du gouffre, elle poursuit ses caresses de longs instants sadiques puis, sentant approcher le point de non-retour, elle se dégage un peu trop vivement pour Léa qui allait jouir une nouvelle fois.

- Non, n'arrête pas !— Non… protesta-t-elle.

Un baiser puissant au goût salé la rassure, et elle comprend en quelques instants ce que son amie désire. Avec un sourire complice, elle s’assoit en face d'elle et ouvre le compas de ses cuisses tandis que Rachel fait de même. Quelques instants plus tard leurs sexes sont en contact intime, déclenchant en elles des ondes de plaisir. Léa ferme les yeux tandis que leur bassin commence de lentes ondulations.

- Regarde-moi, lui ordonne Rachel d’une voix douce.

Léa obéit, et son regard ne quitte plus le sien tout au long de cette danse sensuelle et endiablée. D’une main, Rachel empaume un de ses seins pour agacer une pointe dressée. Léa gémit de plus belle et lui rend la pareille, palpant avec douceur les globes bruns et fermes qui ne cessent de frémir sous sa main. Bientôt les mouvements se font plus amples, plus saccadés, et des bruits humides complètent le charmant tableau saphique. En appui sur leurs mains, elles jettent leur bassin à la rencontre de l’autre, et c'est presque une jouissance simultanée lorsque Rachel la précède de quelques petites secondes, criant son plaisir sans retenue, son regard troublé braqué dans celui de Léa.
Avec un dernier cri, Rachel s' écroule sur le drap, complètement pantelante, pour vite se replacer à côté de son amante et l' enlacer entre ses bras, d’une manière possessive.

-  Je sais que tu as adoré ma chérie, et tu reviendras me voir, que tu le veuilles ou pas. La prochaine fois, je te ferai découvrir quelque chose de nouveau, de plus fort. Et il en sera ainsi à chaque fois que nous referons l'amour. Des surprises, encore des surprises...
La confidence de Rachel est adressée sur un ton plein de désir latent et de gourmandise.
Léa n'a plus la force d’analyser le fond de cette promesse.
Car elle a peur de connaitre la réponse. Elle qui n’avait jamais eu de penchants homosexuels, elle qui pensait avoir des valeurs et des certitudes hétéros infaillibles, que ce genre de pratiques entre femmes était quelque chose d'anormal et contre-nature, voilà que de drôles d’idées lui  traversent encore la tête, s'imaginant en train de lui écarter les cuisses et de laisser sa bouche papillonner dans ses chairs secrètes. Avec d'autres envies. D'autres appétits. Toujours plus grands...
Non, c'est impossible, elle est folle ! Ce qu'elle a fait avec cette femme n’est qu’un incident de parcours, une erreur, une aberration, influencée par son désespoir, à la trahison de son mari qui l'a poussée à commettre l'irréparable
Pourtant, son regard reste fixé sur le sexe de cette femme… Si beau, sensuel, tentant... Un fruit défendu qui l'appelle de tout son désir et dont elle risque de revenir à la source.
A son tour addict et dépendante d'un plaisir trop délicieux pour s'y passer, encore plus accroc que son mari au jeu.
FIN.

Retrouvez les héroïnes de cette histoire dans "la nuit de Lesbos", "Fureur lesbienne", "la villa des fantasmes" et " Le réveil de la bête ".

    


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