Divines et Innocentes

Divines et Innocentes

Ennemie Intime.

Entre femmes

 

Un homme, Pierre, joueur compulsif, doit une forte somme d’argent à un caïd local. Dans l’incapacité de rembourser ses dettes, il est pris en otage. Pour le sortir de ce mauvais pas, c’est son frère, avocat, et sa femme Lætitia, ex-catcheuse professionnelle, qui doivent  faire l’échange - Pierre contre l’argent - dans une immense boîte de nuit appartenant à la mafia russe. Pour Lætitia, dont la grande beauté va susciter la convoitise d’une videuse lesbienne, adepte  aussi des sports de combat, ce sera la nuit la plus agitée et la plus longue de sa vie.
L’affrontement est inévitable…

 

Grasse.

Février 2012.

Volets ouverts, télé allumée, Lætitia et Philippe sont sur le canapé et mangent une pizza royale. Philippe est avachi au milieu, un verre de vin rouge à la main, en extase devant un match de foot en 1ére division diffusé sur la TNT. Agacé de ne pouvoir le regarder tranquillement. C'est la meilleure, les rôles sont inversés, où la femme sollicite maintenant les câlins de façon intempestive ! Lætitia est collée contre lui, l'embrasse, le mordille, fait courir ses doigts dans ses épaisses boucles noires. Elle joue avec ses nerfs et ne semble pas dans son état normal.

-   Bon sang ! Chérie, ça suffit ! Mais qu'est-ce qui t'arrive ? grogne t-il d'un ton excédé.

Il tord le cou pour ne pas perdre l'écran de vue alors qu'un joueur s'approche dangereusement des cages adverses.

-   Nom de Dieu, le con ! Raté un but pareil ! s'exclame t-il en repoussant sa femme qui ne cesse de le harceler.

Avec un sourire mutin, elle repart à l'attaque. Elle se jette sur lui et lui dévore la bouche, ignorant les morceaux de fromage qui pendent lamentablement à la commissure des lèvres. Philippe, de guerre lasse, pose sa pizza sur la table basse.

-   Dis, chérie, tu n'es vraiment plus la même depuis notre mésaventure dans cette discothèque et cela en devient gênant !

Elle déboutonne sa chemise d'un air canaille.

-   Ah oui ? Fais-moi un procès ! Tu ne connais pas ta chance alors profites-en ! Et n'oublie pas que Lucie est chez mes parents toute la semaine, nous sommes libres comme le vent ! Alors saisis l'occasion, et vite !

Il la repousse un peu plus violemment;

-   Non, chérie, je ne plaisante pas ! Tes hormones sont en ébullition et c'est franchement indécent ! Je ne te reconnais plus, comme si tes vieux démons revenaient à la charge ! Merde, fais-toi soigner !

Il bat en retraite au bout du canapé, en sueur et le souffle court, tandis qu'elle se redresse, le feu aux joues. Son excitation est retombée d'un coup. Maintenant, une bouffée de rage meurtrière l'envahit et semble vouloir tout emporter sur son passage.

-   Et toi t'es qu'un vieux con coincé et rabat-joie !  A peine trente ans et tu ressembles déjà à un retraité avec ses petites habitudes et ses petites manies qu'il ne faut surtout pas bousculer ! T'es pitoyable !

Philippe se calme, cherchant à la prendre dans ses bras.

-   Pardon, chérie, je ne voulais pas te blesser. Mais tu as tellement changé depuis cette nuit de cauchemar dans cette foutue discothèque ! Comme si tu avais renoué avec ton passé ! Le danger, l'adrénaline, les compétitions ! Tes combats contre la mafia, les tournois truqués, les paris, tout ce monde pourri que tu fréquentais avant ! Chérie, c'est du passé tout ça, t'a tourné la page, on mène maintenant une vie tranquille et heureuse !

Elle le repousse avec véhémence. Ses yeux jettent des éclairs, avec des larmes qui commencent à perler.

-   Oh oui ! Pour être tranquille elle est tranquille notre petite vie de bourgeois blasé ! Tranquille à en mourir d'ennui oui !

Philippe se relève, lui adressant un regard de chien battu. Avec toute la tristesse du monde... Ses épaules semblent se tasser et son dos se voûter. Puis, comme d'habitude, il prend la fuite. Il est inutile de la raisonner lorsqu'elle s'emporte de cette façon-là, une tornade de furie qui dévaste tout sur son passage. Il a appris à se montrer faible et lâche, un combat perdu d'avance lorsque la rage devient incontrôlable. Ses mains tremblent lorsqu'il recoiffe ses cheveux avant de remettre un peu d'ordre dans sa tenue débraillée. Il saisit au passage une veste qui traîne sur une chaise et se dirige vers la porte d'entrée.

-   Je reviendrai quand tu seras calmée ! murmure t-il piteusement.

-  Tu vas où encore ? fulmine t-elle en se redressant vivement comme une chatte prête à griffer.

-   Chez Paul. Ne m'attends pas, je rentrerai tard.

-   Pauvre minable ! dit-elle sur un ton de dégoût. Tu ne comprendras jamais rien aux femmes décidément ! Tu te sauves ventre à terre quand j'ai le plus besoin de toi ! Quand je suis perdue et qu'il me faut ton amour et ta virilité pour me raccrocher à toutes mes valeurs et à tout ce que l'on a construit ensemble !

Livide, il hoche la tête en baissant les yeux.

-   Non, je suis trop minable pour te comprendre ! Alors je n'ai plus rien à faire ici !

Il claque la porte derrière lui.

Le bruit semble la sortir de sa rage. Elle se reprend, se maudit intérieurement de tous les noms tandis qu'elle se précipite à son tour vers la porte d'entrée. La fraîcheur du soir la saisit mais elle continue de courir.

-   Chéri, attends !

Il n'entend pas et s'enfuit vers sa voiture.

-   Chéri ! crie t-elle de toutes ses forces.

Elle descend quatre à quatre les marches, risquant la chute tellement les larmes qui ruissellent lui brouillent la vue, mais l'Audi disparait déjà dans un rugissement furieux. Philippe, avant de la perdre de vue dans son rétroviseur au premier virage, garde l'image fugitive d'une silhouette magnifique et élancée qui semble flotter dans les airs, souple et aérienne. Sa femme. Une femme qu'il ne comprendra jamais...

 

Insatiable, curieuse, Lætitia veut provoquer encore plus de sensations, troublée par le pouvoir qu’elle possède. Elle s’étend donc sur son bas-ventre, enfouit son visage entre les jambes fuselées, porte ses lèvres sur des chairs tendres, mouillées, en feu, et savoure pour la seconde fois la féminité la plus secrète, la plus exquise, dont le parfum et les saveurs la rendent folle de désir. De la pointe de la langue elle pénètre au plus profond du vagin, parcoure toute la fente, léchant le calice odorant, pour boire au cœur de l’intimité brûlante. Elle se laisse griser par ce contact capiteux, assoiffée, ivre, allant plus loin, le plus loin possible. Karine émet des gémissements rauques, agitant les jambes en soubresauts réguliers, contractant les muscles de son ventre, ballottée par un plaisir qui monte et la submerge. Lætitia décide de brusquer l’orgasme et, comme si elle avait fait cela toute sa vie , porte ses doigts à l’entrée de la vallée inondée, entamant un mouvement rapide de va-et-vient, tandis que sa langue s’agite frénétiquement. Ses gestes sont autant dictés par une excitation indescriptible que par une envie irrépressible, comme si tout venait spontanément et naturellement du plus profond de sa chair, de son âme. Des pulsions enfouies qui, maintenant qu’elles peuvent s’exprimer, se dévoilent dans toute leur perfection. Si parfaites que Karine ne résiste pas longtemps, se cambrant à s’en casser le dos, criant son orgasme avec hystérie, anéantie par l’intensité de sa jouissance. Lætitia ne semble toujours pas repue,  continuant de boire la liqueur abondante qui coule entre ses lèvres, avec une gourmandise acharnée.

-   Arrête, je n’en peux plus , la supplie Karine.

Mais elle se laisse faire, ravie des dispositions de sa partenaire, stupéfaite de constater que la ravissante Lætitia, si respectable, si douce, mariée et mère de deux enfants, rangée d'un passé tumultueux, se révèle de nouveau passionnée, insatiable et experte pour de nouveaux combats bien plus intimes. Une renaissance à ses premiers émois lesbiens. Et elle n’est pas au bout de ses surprises…

Enlacées, les deux femmes se cajolent avec tendresse. Elles sont épuisées, rassasiées de leurs torrides ébats qui les ont fait délirer de plaisirs pendant plus de deux heures. Lætitia ne s’est plus reconnue, torturée par une insatiable fringale sexuelle, comme si elle découvrait pour la première fois l’inépuisable endurance de ses sens enfiévrés. Elle s’est révélée à l’amour physique, s’est montrée audacieuse, perverse, enjouée, avide de tout connaître. Au début, sa fougue était empressée et désordonnée. Comme l'autre fois, lors de leur première rencontre... Karine avait apprécié cette ardeur à la fois tumultueuse et juvénile, comme une tempête incontrôlable qui part dans tous les sens, et elle s’en est bien évidemment gavée à s’en étourdir. Mais elle avait pris ensuite le dessus, pour la dompter, la domestiquer, lui apprendre le raffinement de la volupté, le pouvoir de l’imagination, déclenchant des jouissances insoupçonnées. Lætitia, en très bonne élève, s’est laissée guider, soumise à tous ses jeux érotiques, se pliant à tous ses caprices. Saisie par les démons d’un plaisir incroyable, elle a perdu toute raison, toute clairvoyance, tel un paquet de nerf déchaîné. Elle sait maintenant qu’elle sera toujours dépendante et esclave de ses nouvelles passions, c’est ce qu’elle se dit tout en réfléchissant aux conséquences. Karine l’observe avec une ferveur béate, elle ronronne de bonheur en posant une main possessive à l’intérieur de ses cuisses, comme pour les ouvrir. Elle se colle étroitement à Lætitia,  lui murmure à l’oreille :

-   Je suis tellement heureuse que tu sois venue me rejoindre ! C'est la plus belle surprise de toute ma vie...

-   Philippe et moi avons eu des paroles que je regrette déjà. Mais je n'ai pas envie d'en parler.

-   Et tu as bien raison. Car je veux que cet homme fasse partie de ton passé... Chérie, viens vivre avec moi. Je veux t’avoir à mes côtés chaque jour de la semaine, nuit et jour…

Et elle ajoute après lui avoir déposé un baiser sur le nez.

-  … Et pour toujours…

Le visage de Lætitia s’assombrit tandis qu’elle tourne la tête vers elle.

-    Je ne peux pas, Karine. La vie n’est pas aussi simple, il y’ a d’autres personnes qui sont concernées et qui vont souffrir. Mon mari, notre fille...

-   Et alors ? On s'aime, non ? C'est tout ce qui compte ! Je suis impulsive, je ne peux pas tricher avec mes sentiments, c’est toi que j’ai dans la peau, et je ne peux pas envisager l'avenir sans toi. C’est impossible, au-dessus de mes forces, et je ne peux pas me contenter de rendez-vous à la va-vite, comme des voleuses qui ont hontes de leurs actes ! Et faire ensuite comme si de rien n'était...Et toi, tu pourrais faire semblant de continuer ainsi, regarder ton mari dans les yeux après ce qu’on a vécu ensemble ? Surtout que tu n'es pas faite pour cette vie là, aussi médiocre que pépère, pour rentrer dans le moule d'une société bien-pensante ! Non, tu es comme moi ! Une femme d'action et de caractère, qui a besoin de bruit et de fureur pour exister réellement... Alors ne tourne pas le dos à ta vraie nature et viens vivre avec moi !

Le visage de Lætitia se ferme davantage.

-   Je ne sais pas, Karine, je ne sais vraiment pas… J’avais une vie enfin normale, avec des valeurs auxquelles je croyais tant, même si elles sont pépères pour reprendre ton expression. Mais il a fallu que tu  déboules comme une furie  pour tout bouleverser… C’est venu si vite, si brusquement, je ne sais plus où j’en suis !

-    Ne lutte pas contre tes instincts. Tu es faite pour aimer les femmes, ton corps le réclame, ta chair l’exige, et ne me dis pas le contraire car je ne te croirai pas… Tu veux des preuves ? Alors réponds à mes questions. D’habitude tu as combien d’orgasmes avec ton mari ?

-    Deux. Jamais plus...

-    Deux, c’est tout ? Avec moi tu en as eu le double, si je ne me trompe pas…

-   Non, cinq... Enfin, pas cette fois-ci, mais la première fois, dans ta chambre... C'est sans doute la nouveauté qui a décuplé mon excitation...

Elle rougit en baissant honteusement les yeux.

Karine explose de joie

-    Tu vois !  Comme une femme peut t'emporter très loin et t'amener à dépasser tes limites ! Une femme comme moi !

Lætitia lui jette un petit regard amusé.

-   Hé ! C'est pas la modestie qui t'étouffe ! Et tu as triché la première fois ! Tu m'as sortie ton espèce de godemichet énorme et tu savais le manier comme une vraie diablesse !

-   C'était pour te punir de m'avoir résisté ! Un juste supplice pour mâter ta rébellion ! Et je crois que tu as adoré ça, non ?

Lætitia rougit encore jusqu'à la racines des cheveux. Décidément, elle qui peut se vanter d'être une femme de caractère ne se laissant pas facilement déstabiliser, là voilà qui rougit comme une collégienne à ses premiers émois amoureux ! Pudiquement, elle répond, cherchant à comprendre elle-même...

-   Bien sûr, c'était totalement nouveau ! Et intense ! Les sensations sont différentes. C’est la perpétuelle découverte. L’exploration est infinie. Avec ou sans ton jouet je veux dire... Rien n’est figé. Quand nous faisons l'amour, je peux être clitoridienne, vaginale, ou les deux. Ce qui m'emporte en effet très loin...

-   Et cela t'a choquée quand je t'ai sortie mon sex-toy ? A notre première fois ?

-   J'étais dans un tel état de surexcitation que je n'ai pas trop réalisé sur l'instant... Puis, avec le recul, je me rends compte que tout est venu naturellement parce que tout ce qu’on faisait ensemble me paraissait beau. Très beau et très érotique aussi…

-    Et est-ce que tu cris autant quand tu jouis ?

-    Jamais.

-    Et là tu ne t’es pas gênée pour hurler à la face du monde le plaisir que tu prenais avec moi. Est-ce qu’on continue, ou cela te suffit ?

-  Karine, je sais tout cela. Je n’avais jamais ressentie cette excitation auparavant, j’ai complètement perdu le contrôle, et j’ai adoré ça. On ne va pas revenir là-dessus, je ne me l’explique pas moi-même.

-    Mais il n’y a rien à expliquer ou à justifier, chérie. Tu es homo, tu l’ignorais mais tu viens de le constater. C’est tout.

-   Peut-être, je ne sais pas…

-   Ne te voile pas la face, j’ai raison et tu le sais parfaitement. Tu n'es pas la première hétéro avec laquelle je couche. D'habitude, malgré leur trouble, elles évitent d'abattre leurs cartes du premier coup, laissant la main à leur partenaire homo qui est sensée mieux maîtriser les bonnes pratiques en la matière. Et c'est ensuite, dans d'autres expériences, avec la même femme ou pas, qu'elles se risquent à s'enhardir dans un catalogue de postures et de positions assez audacieuses. Mais toi, après l'effet de surprise, tu t'es véritablement lâchée, une vraie tornade survoltée qui avait beaucoup à donner et recevoir. Comme si tu te reconnaissais totalement dans ces amours-là. Mais je comprends tes incertitudes. Voir ton rejet... Il te faudra plusieurs jours pour digérer tout ça et accepter ta nouvelle sexualité. Alors je te laisse du temps pour y réfléchir... Je serai patiente, je t’attendrai le temps qu’il faut. Ma proposition tient toujours, je veux que tu viennes vivre avec moi. Réfléchis-y. Mais avant, Laeti, il faut que je sache. Quels sont tes sentiments pour moi ?

Elle se redresse, la fixant avec une gravité anxieuse.

-   Karine, je suis bien avec toi, terriblement bien. Mais il est trop tôt pour parler d’amour. Ce n'est pas parce que tu me fais faire des folies au lit que c'est obligatoirement de l'amour.

-    Je peux donc espérer que tu viennes vivre un jour avec moi ? Je peux t’attendre, n’est-ce pas ?

-   Oui.

-   Ce n’est pas suffisant. Jure moi d’y réfléchir sérieusement.

-    Je te le jure.

Enfin rassurée, Karine s’abandonne dans ses bras.

-    Oh, Laeti, je t’aime tant ! Je t’aime, je t’aime !

Elle l’emprisonne sous elle en couvrant son visage de baisers fous. Laetitia reçoit cette déclaration enflammée en éclatant d’un rire ému et sincère, l’étreignant de toutes ses forces. Elles s’accrochent l’une à l’autre avec passion, roulant et chahutant comme deux enfants insouciantes. Mais les caresses de Karine se font assez vite moins innocentes, plus précises, et son regard flou, ses lèvres entrouvertes, indiquent toute l’attente d’une volupté croissante. Sérieuse, elle la regarde longuement, et ses mains jouent capricieusement sur les splendides seins orgueilleux qu’elle admire avec un sourire ineffable de langueur et de sensualité. Lætitia ne rit plus, elle se laisse faire, surprise de réagir encore, de vibrer, de s’embraser toute entière. Elle se tord de plaisir lorsque la bouche se mêle au jeu, et halète, le souffle court.

-    Tout compte fait, Karine, je suis amoureuse…

Celle-ci relève la tête avec une lueur d’espoir.

-   C’est vrai ?

-    Oui, de ta bouche. J’adore ta bouche. Elle me rend folle.

Karine ne montre pas sa déception.

-  Attends de voir ce que peut faire réellement ma bouche, et tu apprendras à l’aimer complètement.

Sur ce, elle jette sa tête à travers les cuisses de son amie, avec un appétit goulu. Ravie, Lætitia s’abandonne, puis la folie érotique qui s’empare d’elle lui donne envie de participer également. Elle se redresse, s’étend avec une agilité surprenante, étire ses bras en avant, et caresse les fesses de sa partenaire, se plie davantage pour aller plus bas. C’est là une position inconfortable, mais son corps n’est plus le même quand elle est avec cette femme, il est plus souple et plus voluptueux. Il ne sera plus jamais le même...

Ses gémissements syncopés se mêlent vite et bruyamment à ceux de sa maîtresse.

Tandis que le plaisir renaît, elle ne peut s'empêcher de penser à leur première rencontre. Ou plutôt leur confrontation. Un choc physique et érotique qui a balayé toutes ses certitudes hétérosexuelles, la laissant bouleversée, déstabilisée, anéantie. A tout jamais.

 

Nice.

Trois semaines plus tôt...

 

 La grande salle est plongée dans le noir, entrecoupée par des éclats de néons. La sono, de la taille et de l’intensité d’un concert de Johnny Hallyday au stade de France, bouscule les sens avec agressivité. Le DJ joue de la musique house, éclairé par des lumières lasers qui giclent autour de lui, se promenant épisodiquement sur la piste de danse. Là, c’est la cohue, une foule hystérique qui se trémousse avec frénésie, disparaissant provisoirement dans des nuages de vapeur.

L’homme qui traverse cette foule agitée n’est pas là pour danser ou s’amuser. Nerveux, épaules basses et regards suspicieux tout autour de lui, il se dirige vers le fond de la salle. Sa main droite serre nerveusement une mallette comme si c’était son bien le plus précieux. Il s’y agrippe avec plus d’énergie en fendant cet océan de corps humains, avec la peur qu’on puisse dans la bousculade la lui subtiliser.

Il hésite un moment avant de rejoindre un groupe d’hommes assis dans une salle la plus éloignée. Le salon VIP. Ici, ni décor high-tech, ni bruit et ni foule. Mais plutôt une bulle feutrée, avec tapis persans, canapés en velours, lustres en cristal, chandelles allumées sur les tables en ivoire… Un sanctuaire luxueux et voluptueux, à l’abri des regards indiscrets, réservé à une clientèle privilégiée.

Il repère un homme affalé sur un canapé avec une brochette de filles splendides, sanglées dans des corsets et des guêpières, riant et buvant en même temps. Le visage de l’homme se fend de sourires salaces lorsqu’ils leur susurrent des insanités au creux de l’oreille, avec des mains baladeuses qui vont de l’une à l’autre. Un moment, sa tête roule sur le côté. Levant les yeux, il s’écrie avec un peu trop d’exubérance :

-        Monsieur Galaux ! Par ici, venez !

Il veut se lever mais n’y parvient pas. Les filles avachies sur lui l’en empêchent. Derrière, un peu en retrait, des gardes du corps, gonflés aux stéroïdes, crâne rasé et mine renfrognée, examinent le visiteur d’un air méfiant.

Ce dernier s’installe gauchement sur le canapé qu’on lui désigne.

-        Alors, vous avez l’argent ? s’enquiert aussitôt l’homme assis en face de lui.

-        Oui. Et mon frère, je ne le vois pas ?

-        Ne brûlons pas les étapes. Et c’est moi qui dicte les règles.

Pas de doute, c’est le patron. Le regard insolent et la bouche ironique, avec une autorité qui émane de tour son être. Une longue balafre sur sa pommette droite donne à son visage un aspect sinistre. D’un signe dédaigneux, il invite les filles qui sont autour de lui à disparaitre vivement. Elles se sauvent sans demander leur reste, dans des effluves de parfum capiteux.

-        Bravo pour votre courage, Mr Galaux. Je ne pensais pas que vous oseriez venir jusqu’ici.

-        Je n’ai pas le choix. Il s’agit de la vie d’un homme. Et en l’occurrence celle de mon frère.

-        Un frère qui ne mérite pas que l’on risque sa vie pour lui. C’est un bon à rien, un idiot de la pire espèce, qui a le don de se fourrer dans les enmerdes. Aujourd’hui, Mr Galaux, vous le sortez d’un mauvais pas, mais demain il recommencera à s’empêtrer dans d’autres problèmes. C’est comme ça, un raté qui ne fera que s’attirer des ennuis toute sa vie. Né sous une mauvaise étoile, et qui ne vivra pas très longtemps…

Philippe Galaux ne dit rien. Hélas, ce truand a raison, et il ne peut pas le contredire. Son frère, Jacques, est un joueur et parieur maladif, vivant de petits larcins et d’expédients de toutes sortes, se mouillant dans toutes les combines pour récolter de l’argent facile. Mais, cette fois-ci, il s’est frotté à beaucoup plus gros que lui : la mafia russe. Il leur doit une forte somme d’argent et, pour tenter de renverser la vapeur, a continué de jouer, ne faisant  au contraire qu’accumuler les dettes. Traqué, fuyant ses responsabilités, il a fini par se faire rattraper par les malfrats qui veulent maintenant récupérer leur gain. Et, s’ils n’obtiennent pas satisfaction, c’est la mort assurée. Aussi, pour réparer les dégâts, Philippe a pris les choses en main. Rembourser l’argent que leur doit Jacques, effacer l’ardoise.

-        Vraiment, Monsieur Galaux, votre courage frise l’inconscience. Venir seul avec une si forte somme d’argent en votre possession. Qui vous dit que je ne vais pas vous arracher la mallette des mains et tuer quand même votre frère. Il le mérite bien… Personne ne m’arnaque sans en payer le prix fort. Vous comprenez, j’ai une réputation à tenir...

Eric l’observe comme on inspecte le bétail. Sans état d’âme.

Philippe fait tout pour ne pas montrer sa peur. Tout cela le dépasse, ce monde de truands sans pitié, de violence, de corruption… Un monde dont il ignore toutes les règles. Pourtant, avalant difficilement sa salive, il réussit à articuler d’une voix presque ferme.

-        Qui vous dit que je suis venu seul ? Et que je n’ai pas pris mes précautions ?

Dans sa poche, le portable est resté allumé. Pour qu’une autre personne ne rate rien de cette conversation. Et reçoive le signal.

Lætitia choisit alors cet instant pour faire son entrée. Tous les regards, masculins et féminins, se braquent d’emblée sur elle, comme fascinés. Il faut dire qu’elle ne passe pas inaperçue. Une beauté exotique dont les yeux en amande, les pommettes saillantes, le visage de madone, la longue chevelure noire, trahissent des origines asiatiques. Son corps sublime semble avoir été façonné par une divinité bienveillante, dans le seul but de créer la perfection.

Sans hésitation, cette créature de rêve vient vers eux. Eric, d’un claquement de doigts, sort deux gardes du corps de leur contemplation béate.

-        Stoppez-moi cette pétasse !

Ils se lèvent en gonflant les muscles, deux armoires à glace qui vont enfin justifier leur salaire. Même si l’affaire sera vite réglée…

Ils se positionnent côte à côte, barrant tout le passage.

Lætitia ne ralentit pas l’allure, se dirigeant vers l’homme de droite. Sans le moindre avertissement, presque négligemment, elle lui saisit la main, la tord, pivote sur elle-même en donnant de l’élan, sans lâcher la brute épaisse qui perd l’équilibre et va atterrir lourdement quelques mètres plus loin. La chute est brutale. Il reste au sol, tel un pantin désarticulé.

-        Hé ! s’écrie son collègue sans trop en croire ses yeux.

Une pirouette aérienne et Lætitia lui ravale son cri de surprise d’un coup de pied magistral sous le menton. La mâchoire brisée fait un horrible bruit et, d’un coup, l’homme s’effondre sur lui-même, comme vidé de toute énergie.

Eric reste imperturbable lorsque la femme vient tranquillement s’asseoir en face de lui. D’un air blasé, il demande

-        Qui est donc cette charmante créature ?

Comme par miracle, Philippe retrouve un peu d’assurance.

-        C’est ma femme. … Chung. Ou plus connue sous le pseudo de la "geisha indomptable", son nom de scène lorsqu’elle pratiquait encore le catch.

Eric hausse les épaules avec incompréhension. Le seul garde du corps qui demeure près de lui écarquille les yeux de surprise et se penche en avant, lui expliquant avec frénésie.

-        Je la reconnais, patron. C’est la star du Catch féminin aux États Unis… Enfin, c’était… L’une des plus sexy de la WWE, élue à l’élection des Divas Search il y’a deux ou trois ans de cela. C’était ma préférée. Bon sang, il fallait la voir surgir sur le ring en bikini, ou vêtue en geisha, ou encore en ninja ! Une vraie bombe ! Elle pouvait porter n’importe quelle tenue et c’était la folie dans la foule, l’émeute, le délire !

-        Merci pour tous ces synonymes démonstratifs, l’arrête Eric avec agacement.

Puis, se tournant vers Lætitia.

-        Ce que dit mon employé est véridique ?

-        Exact. Et il a bien fait de parler à l’imparfait. Cette vie là est révolue. Mais j’ai encore de bons réflexes pour savoir réagir au bon moment.

-        En effet, je l’ai constaté… Et j’apprécie le comique de la situation. C’est le mari qui envoie en renfort sa propre femme ! On voit qui porte le pantalon dans le couple…

Philippe détourne le regard devant les railleries. Il pourrait se justifier en expliquant que c’est sa femme qui a insisté pour intervenir dans cette sombre affaire, mais à quoi bon… Tenace, intrépide, Lætitia n’est pas du genre à reculer devant le danger. Il l’admire pour toutes ses qualités, une femme qui sait rebondir et réussir dans tout ce qu’elle entreprend. Lorsqu’il l’a rencontré, Laetitia se produisait en tant que catcheuse professionnelle, en tenue légère, pour ne pas dire provocante, sous le nom de la Geisha indomptable, pseudonyme aussi ridicule que les pseudos scénarios qui se déroulaient sur le ring pour tenir les spectateurs en haleine. Souple, exotique et sexy à damner un saint, c’était la bombe atomique qui tenait toujours le rôle de la gentille. Philippe était tombé fou amoureux, un amour réciproque puisqu’ils s’étaient vite mis en ménage pour se marier peu après. A la naissance de leur fille, Lætitia avait abandonné sa carrière pour se consacrer entièrement à sa famille, quittant les USA pour s’installer dans sa ville natale, Villeneuve Loubet, là où vivait  encore sa mère. Un retour aux sources… Tout en suivant des cours de droit le soir, elle avait travaillé dans le cabinet d’avocats où Philippe exerçait, gravissant les échelons lentement mais sûrement, prouvant à tout le monde que l’on peut être sportive, musclée, et avoir un cerveau. Une femme qui avait plusieurs cordes à son arc…

Eric la détaille avec un sourire ironique.

-        Bravo pour votre entrée spectaculaire. Une présence à ne pas prendre à la légère… Mais j’ai aussi mon arme secrète.

Un léger hochement de tête et un regard à peine appuyé vers la foule derrière eux. En cœur, tous se retournent. Une femme blonde approche nonchalamment, avec la souplesse d’un fauve à l’affût. La quarantaine bien entamée, blonde aux cheveux mi-longs, assez grande et forte. Plantureuse et voluptueuse. Chez elle, les formes qui dépassent sont à son avantage, transpirant la luxure à plein nez. Une vraie tigresse qui aime la provocation et attirer l’attention. Résultat garanti. Plusieurs mâles la reluquent sans ménagement, frôlant le torticolis. Et elle en est consciente. Car, tout en marchant, elle semble enregistrer tout ce qui se passe autour d’elle, les sens en alerte. Une vraie pro. Elle se glisse à côté d’Eric. Il la présente.

-        Karine. Videuse et garde du corps. Et ex-officier de la DGSE. Mon meilleur élément… Pas comme ces deux guignols qui salissent le sol de mon établissement.

Justement, les deux guignols en question sont ramassés par d’autres hommes de main.

-        Ancien membre de la DGSE ? commente Lætitia avec une pointe d’ironie. Respect…

Les yeux de celle-ci se pointent sur la jeune femme qui lui fait face. Étrangement, sans animosité. Plutôt brillants et curieux…

-        Lætitia Chung, alias Laeti la geisha. Votre réputation n’est pas usurpée. Toujours aussi belle et efficace à ce que je vois.

-        Merci, je m’entretiens comme je peux… Mais, petit rectificatif, Chung est mon nom de jeune fille. Je suis mariée maintenant.

-       Ce qui ne vous empêche pas de garder la forme. Si vous avez besoin d’exercices ou d’un peu d’entrainement, je suis votre femme, mon cœur…

Tant de prévenance et de provocation semblent déstabiliser Lætitia qui, à court de répliques spirituelles, met vite un terme à la conversation.

-        Merci, j’en prends note.

-       Oh, les filles, ça suffit ! les coupe sèchement Eric. Quand vous aurez fini de roucouler, on pourra passer aux choses sérieuses.

Il s’adresse sans préambule à Philippe.

-        Voilà comment cela va se passer. Je vous accompagne jusqu’à l’endroit où nous retenons votre frère. Là, vous me refilez votre mallette, je vérifie si la somme est complète et, si tout est 0.K, vous repartez tranquillement avec votre abruti de frère. Et l’on ne se revoit plus jamais.

Philippe jette un coup d’œil inquiet à sa femme. Celle-ci est figée.

-        Et quelle garantie avons-nous que vous les laissiez repartir tous les deux en parfaite santé ? Vous avez le fric, mon mari et son frère. Le jeu n’est pas réparti de façon équitable…

-        Je n’ai aucune raison de fausser la donne. Tout ce que je veux, c’est mon argent. Croyez-moi, il n’y a là aucun vice.

-        Pardon, mais votre parole ne me suffit pas.

Philippe acquiesce avec peu d’assurance. Eric toise ce dernier avec mépris, comme un géant regarde de haut une insignifiante fourmi.

-       Votre mari n’a aucun intérêt pour moi. Et son idiot de frère encore moins… Karine reste ici avec vous en attendant notre retour. Elle est en quelque sorte une garantie… Je vous la laisse en échange de votre mari. Provisoirement, j’entends… C’est ça et rien d’autre.

Une étincelle apparait dans les yeux de la blonde. Sans cesser de fixer Laetitia, elle lui adresse un clin d’œil grivois.

-      Une soirée entre filles, génial ! On trouvera bien quelque chose à faire pour passer le temps.

Lætitia n’est pas d’humeur à plaisanter. Elle lui adresse un regard noir. L’autre l’affronte sans ciller. Aucune des deux n’est du genre à cligner des paupières.

-        Je n’aime pas ça… finit par dire Lætitia.

Philippe se penche vers elle et lui murmure à l’oreille :

-        Chérie, on n’a pas le choix. Je dois le faire, je dois ramener mon frère sain et sauf.

Pour les aider à se décider, Eric tend ses deux mains en avant dans un signe de paix.

-     Je vous donne ma parole que je ne toucherai pas à un seul de leurs cheveux… Si j’ai mon fric dans sa totalité, tous se passera à merveille.

Déjà, Philippe se lève. Une profonde inspiration et il lâche :

-        C’est bon, je suis prêt.

Il s’agrippe à sa mallette comme si sa vie en dépendait.

Eric se lève à son tour. Pressé d’en finir, il leur tourne le dos et fend la foule en direction de la sortie. Après un dernier regard à sa femme, et un bref sourire qu’il veut rassurant, Philippe part à la suite du truand.

Seules, les deux femmes s’étudient en silence. Karine parle la première.

-    Vous savez vous y prendre pour faire fantasmer les gens… Garçons ou filles…

-    Pourquoi donc ?

-   Votre façon de bouger. Sensuelle, féline, une vraie chatte prête à sortir les griffes avec une redoutable efficacité. Et, même lorsque vous avez mis ces deux guignols K.O, vous gardez cette distinction unique. La grande classe, quoi !  Du coup, ça fait rêver… Est-ce que dans les combats plus intimes, vous bougez avec autant d’aisance ?

Elle la scrute avec insistance. Lætitia ne dit rien, baissant les yeux. Karine l’observe toujours avec un petit sourire moqueur. Et garde la même expression lorsque Lætitia affronte son regard.

-     Videuse, garde du corps… Et vous ne seriez pas un peu lesbienne aussi ?

-     Touchée ! Comment avez-vous deviné ?

-     Facile… Vos allusions balancées ci et là… Votre façon de me regarder aussi…

-     Bravo, quel sens de l’observation. J’aime les femmes, en effet… Pas un peu mais beaucoup. Exclusivement même… Et totalement sous votre charme.

Le regard de Lætitia vacille un instant. Si elle est déstabilisée, elle ne le montre pas, se reprenant vite pour afficher un léger sourire.

-        Et moi je suis hétéro. Pas un peu mais beaucoup… Exclusivement même… Et totalement insensible à votre charme.

-        Il faut de tout pour faire un monde. Mais cela ne me décourage pas… J’ai toujours envie de vous inviter dans ma chambre de fonction, juste à l’étage, et échanger avec vous quelques prises très spéciales. Échanges de bons procédés entres professionnelles…

-        Désolée, mais je suis mariée.

-        Je ne suis pas jalouse.

-        Et une femme sérieuse qui ne croit qu’aux longues relations.

-        Qui a parlé d’une relation ? Je veux juste m’amuser, de longues heures fructueuses et mouvementées. Et un fantasme à réaliser. A la télé, je suivais tous vos combats avec le plus grand intérêt, pour ne pas dire la plus grande excitation… Je suis votre plus grande fan… Prête à toutes les folies pour passer quelques moments privilégiés avec vous.

Lætitia est abasourdie. Cette femme ne manque pas d’aplomb. Chaque mot  est un chant de volupté, un roucoulement d’amour. De la luxure à l’état pur.

-        Comme je vous l’ai déjà dit, je suis une incorrigible hétérosexuelle et une romantique aussi incorrigible. C’est plus fort que moi, la vieille école… Une simple relation et je commence à imaginer des gosses, un chien, un barbecue dans le jardin. Tous les vieux clichés…

Un téléphone qui sonne met fin à leurs joutes verbales. C’est celui de Karine. Elle ne fait qu’écouter, hochant la tête, le visage inexpressif. Inquiète, Lætitia ne la quitte pas des yeux. L’échange s’est-il mal passé ? Eric a-t-il voulu les doubler en faisant malgré tout un exemple ? Si oui, sur lequel des deux frères s’est-il vengé ?

Une multitude de questions s’entrechoque dans sa tête, accentuant son angoisse. Les sens en alerte, elle observe la foule avec appréhension, apercevant trois hommes de main s'agiter, ne montrant aucune discrétion en lui jetant des regards assassins. Plus de doute, il se passe quelque chose... Karine s'en rend compte aussi et part rejoindre les trois hommes. S'ensuit une dispute véhémente où Lætitia voit le visage de Karine se contracter d'inquiétude. Elle la voit faire un mouvement pour s'agripper au bras d'un des trois hommes, mais celui-ci, avec énervement, la repousse sans ménagement. Sans s'affoler, elle le réprimande, avec des gestes menaçants qui semblent le calmer. Puis, comme si de rien n'était, repart rejoindre Lætitia. Morte d'inquiétude, celle-ci essaie de lire sur son visage, mais les traits semblent imperturbables. Puis, alors qu’elle ne s’y attend pas du tout, alors qu'elle se trouve à quelques centimètres d'elle, Karine se dresse d’un bond, pivote sur ses talons et prend la fuite. Surprise, Lætitia met quelques secondes à s’extirper du fauteuil avant de se lancer à sa poursuite. Jouant des coudes, elle tente de se frayer un passage dans la foule, mais des corps qui sautent et dansent sur place ne cessent de lui barrer le passage, la ralentissant. Lætitia sent la panique la gagner. Elle vit un cauchemar, avec l’impression de courir sur place, comme si elle avait des jambes en coton qui s’enfoncent et se coincent dans une neige profonde. En se haussant sur la pointe des pieds, elle survole la cohue du regard. Cible repérée. Étrangement, au lieu de se ruer vers la sortie, Karine prend un escalier de service et monte à l’étage. Sans réfléchir, elle la suit, traverse un couloir, se précipite vers une porte qui vient de claquer. Elle l’ouvre, jaillit dans une chambre. Essoufflée, elle s’immobilise. La pièce est vide. Avant de comprendre son erreur. Elle sent la présence derrière elle, mais trop tard. Poussée par une force invisible, elle est propulsée sur le lit. Avec un cri de douleur, elle fait face à son adversaire.

-        Karine, qu’est-ce qui vous prend ?

-        Je veux savoir si je suis capable de te battre. Un combat à mains nues. Je m’entraine dur pour atteindre la perfection. Taekwondo et Ju-Jitsu entre autres… Et tu es l’adversaire rêvée pour tester mes connaissances.

Karine arbore une expression sauvage et déterminée. Laetitia se relève, agacée par la tournure que prennent les événements.

-        Désolée, mais ce n’est pas le moment. Il y’a d’autres priorités, des vies sont en jeu, dont celles de mon mari. Alors je n’ai vraiment pas la tête à échanger quelques prises de combat. Une autre fois, peut être…

-        Ne t’inquiète pas pour ton mari, l’échange s’est bien passé. C’était ça l’appel téléphonique, de mon boss. Ton mari et son frère règlent les derniers détails, devant une bonne coupe de champagne.

Lætitia sent ses épaules s’alléger d’un lourd poids. Mais elle dissimule son soulagement derrière un masque impassible.

-        Alors cette fuite n’était qu’une vulgaire comédie ?

Karine esquisse un sourire satisfait.

-        Oui, pour t’attirer jusqu’ici. Et cela a marché…

-        Bravo, toutes mes félicitations. Mais j’ai plus urgent à faire…

Elle fait mine de se diriger vers la porte mais Karine, sans ménagement, la repousse. Lætitia sent alors la moutarde lui monter au nez. Cette femme a le don de lui faire perdre son sang-froid, entre répulsion et fascination. Ses manières à la fois lascives et brutales, ses allusions sexuelles, sa façon de la draguer ouvertement, tout cela la trouble et l’énerve. Alors, dans un geste irréfléchi, Lætitia lui administre une gifle retentissante. Karine, une expression d’intense surprise sur le visage, touche sa joue brûlante, ne croyant pas ce qui vient de lui arriver. Puis la colère monte, le visage se fige, plein de hargne, les yeux lançant des éclairs meurtriers.

Lætitia recule, regrettant sincèrement son geste inconsidéré. Elle réalise qu’elle va le regretter.

-        Pardon, Karine, je ne voulais pas…

-        Là, ma jolie, tu as fait la plus belle erreur de ta vie, la coupe Karine.

Elle crache son venin, un rictus abominable sur ses lèvres retroussées, comme un animal prêt à mordre. Elle avance d’un pas, bandant ses muscles, prête à bondir.

Lætitia tend ses bras en avant dans un ultime geste implorant.

-        Karine, on peut discuter, il ne faut pas…

Trop tard. Comme une chatte sauvage, avec un cri furieux, cette dernière se jette sur elle. Déséquilibrée, Lætitia tombe sur le dos, à même le sol, aussitôt écrasée par le corps épais de Karine. Celle-ci cherche à l’immobiliser mais les vieux réflexes de Lætitia reprennent le dessus. Elle échappe à la prise, se remet vite sur pieds. Étourdie, suffocante, elle recule d’un pas chancelant. Ses seins soulevés par une respiration oppressée gonflent insolemment son débardeur. Elle subit la deuxième attaque avec plus de maîtrise, utilisant la force de son adversaire pour la déséquilibrer et la renverser à l’aide de la technique du levier. Mais Karine, avec une vigueur incroyable, réussit à se dégager.  L’excitation du combat la rend rouge et haletante.

-        Bravo, j’adore ça ! s’esclaffe-t-elle.

La situation l’amuse comme une folle. Plus de colère, mais une vive satisfaction à défier une autre professionnelle.

Elles échangent encore quelques prises, sans conséquence. Leurs techniques sont différentes. Lætitia reste sur la défensive, souple et agile comme une panthère, évitant surtout le corps à corps. Plus forte, corpulente et robuste, Karine adopte une agressivité frontale, cherchant à la ployer sous son poids. Un instant, elle l'emprisonne sous elle mais, prenant appui sur ses mains pour se donner de l'élan, Lætitia se redresse d'une souple détente pour se retrouver tout contre la videuse.

-     Splendide ! admire cette dernière sans cesser d'emprisonner la taille de sa rivale. Hmm... Une souplesse pareille me laisse rêveuse...

A son tour, elle bondit sur elle, cherchant à lui bloquer le bras pour la paralyser d’une clef. Lætitia esquive de justesse. Toutefois, Karine s’accroche à un pan de son vêtement, lui déchirant le haut du débardeur. Celui pend en lambeaux sur le corps splendide, dévoilant la naissance d’un sein et le galbe doré des épaules. Karine apprécie le spectacle. La détaillant de la tête aux pieds, elle esquisse une moue gourmande :

-        Tu es vraiment une femme superbe, dit-elle avec franchise.

Sa voix vibre d’une telle ferveur que Lætitia, décontenancée, relâche un moment son attention. Karine en profite pour bondir en avant, la poussant sur le lit. C’est sur un matelas mis à rude épreuve que les deux femmes cherchent à s’immobiliser de prises complexes, un ballet de gestes techniques et de feintes pour prendre le dessus. Elles finissent par rouler l’une sur l’autre, entremêlant leurs membres dans un corps à corps intime. Karine, l’enlaçant étroitement, coule ses mains sous le vêtement à moitié arraché et les fait glisser jusqu'aux épaules. Sournoisement, elle s'arrange pour frôler doucement avec ses avant-bras l'extrémité de chaque sein. Un simple contact qui électrise Lætitia d'une douce chaleur. Leur combat prend une tournure intime qui va crescendo. 

Paniquée, elle tente de se dégager, mais avec moins de virulence, gagnée par une faiblesse insidieuse. Et, à ce petit jeu, la force de Karine prédomine. Elle noue ses cuisses vigoureuses autour de la taille élancée de son adversaire, lui maintient les bras, se met à la serrer de plus en plus fort dans un étau implacable. Lætitia, le souffle coupé, s’agite de vaines ruades puis, à bout de force, finit par abandonner le combat.

-        C’est bien, vous avez remporté la victoire ! ironise-t-elle en haletant. Vous avez eu ce que vous vouliez…

Karine est étendue sur elle à califourchon, entre ses jambes, lui tenant solidement les bras qu’elle lui écarte davantage, la plaquant ainsi en croix. La tenant totalement à sa merci.

-        Tu t’es très bien battue, bravo ! Un adversaire de taille, enfin…

Elle a du mal à parler, reprenant son souffle. Toutes deux respirent difficilement, oppressées par l’effort de leur combat, récupérant leurs esprits et leur force. Écartelée sur le dos, Lætitia laisse offerte sa poitrine haletante, sa gorge palpitante. Et, toujours à califourchon sur elle, Karine la bloque de son corps à la fois massif et harmonieux, ruisselante de transpiration. La sueur fait luire sa peau blanche, des gouttes qui perlent sur son visage et s’arrêtent à la commissure des lèvres charnues. Tout son corps d’une beauté animale frémit, vibre, collée à son adversaire, lui communicant son énergie et sa vitalité. Avec ses seins lourds et épais qui penchent en avant, comme des fruits murs prêts à être cueillis, pesant sur le corps de Lætitia. Celle-ci respire à fond le parfum enivrant, chaud et capiteux, qui suinte de ce corps féminin, impudiquement serré contre elle. Malgré elle, cela la laisse toute chose. Alors, lorsque Karine se penche nerveusement sur elle, posant sa bouche sur la chair offerte, l’embrassant tendrement sur le cou, le menton, les joues, avant de s’écarter légèrement pour observer son expression. 

Lætitia reste sans réaction. Aucune résistance. Les narines dilatées, bouche entrouverte, elle la fixe droit dans les yeux, avec de la surprise et de l’incompréhension. Karine reprend alors les initiatives, couvre le visage de baisers soudain fiévreux et audacieux. Lætitia ne réagit toujours pas… Avec trouble, elle a juste conscience du contact grisant de la forte poitrine qui pèse sur elle, se frotte contre sa poitrine, et de ce corps féminin qui vibre d’un désir brûlant. Maintenant, Karine s’excite à se frotter contre elle de souples mouvements du bassin, mettant en contact chaque partie de leur corps dans un doux et sensuel contact. Un instant, elle se redresse, cambrée, faisant saillir sa lourde poitrine, pour juste bouger du bassin, frottant dans un contact impudique leur pubis.

Entre femmes

 C'est si indécent et direct que Lætitia semble sortir de la traître torpeur dans laquelle elle sombrait.

-      Karine, non ! supplie t-elle d'une voix étranglée.

La réponse qu'elle lit dans les fascinants yeux de Karine lui donne le vertige. Un appel animal, du désir à l'état brut. Elle voit s'entrouvrir les belles lèvres sensuelles et respire son parfum envoûtant. Jamais aucune personne ne lui avait produit un tel effet. Et cette personne était une femme. Rejetant cette attirance contre-nature, elle se tortille pour se dégager. Des mouvements qui ne font que les frotter l'une à l'autre de façon plus étroite, aiguisant l'alchimie qui existe déjà entre leur peau. Comprenant qu'elle ne fait que précipiter sa chute, elle cesse alors toute résistance.

A SUIVRE... 

 

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Bonne lecture...

 

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